Extrait du journal

»L y a quelque vingt ans, je suis entré dans une école normale primaire, je remplissais ainsi, plutôt que le mien, le vœu de mes parents. Je n’en parle ici que parce que, dans l’ordre social, ce vœu explique bien des choses. A cette époque, au fond des provinces, des milliers de petites gens, métayers, ouvriers, cantonniers, facteurs, s’ils avaient un fils qui « apprenait bien » à l’école, pensaient à faire de lui un instituteur. C’était chez la plupart un rêve obstiné. Ils l’entretenaient par cent raisons, bonnes ou médiocres, l’une du moins était impérieuse. Vers le domaine des études, tout autre chemin était barré ; ailleurs, pour passer, il fallait de l’argent. L’Etat disait au jeune garçon perdu au fond d’un village : « Tu es pauvre, tu veux étudier jusqu’à dix-huit ou vingt ans ? Un seul moyen : sois instituteur. » Il ne s’agit, je le rappelle, que des campagnes peu prospères et des enfants d’un mérite plutôt ordinaire. Et c’cotait il y a vingt ans....