Extrait du journal

Qui ne se souvient avec quel enthousiasme provocateur les chevaliers du trône et de l’autel appelaient, naguère, l’époque légale de la révision? A les entendre, ils n’attendaient que le 29 mai, pour mettre en pièces la Constitution, et chasser la République. M. Alfred Nettement, dont on connaît le bouillant courage et l’irrésistible éloquence, s’était fait le héraut et le général en chef de cette pieuse croisade ; dans son ardeur impatiente, il gourmandait sans pitié la pusillanimité de MM. Berry er et Falloux, qui se trouvaient, d’autre part, en butte aux soupçons les plus outrageant. Bien que nous sachions notre histoire, et que nous ayons la mesure de toutes ces vaillances, habituées à se contenter de paroles, et toujours prêtes pour la fuite, nous aimions à voir tant d’audace chez les fils des croisés. Désormais, pensions-nous, ils ne pourront pas s’en dédire, ils marcheront, bon gré mal gré, et, pour la première fois, la République pourra voir enfin ses adversaires face à face, et * les terrassera d’un seul coup. Hélas! nous n’avons pas conservé longtemps ces illusions; plus nous approchions du délai fatal, et plus l’énergie s’affaiblissait dans le camp des légitimistes; plus il devenait manifeste que l'oriflamme resterait dans la chambre à coucher du goitreux de Frohsdorf, de celui que M. Berryer appelle son roi. C’est en vain que M. Léo de Laborde, qui, du chef de son nom, est regardé comme l’Ajax du parti, et qui paraît devoir être le dernier des Romains, a promis, tout récemment encore, de poser nettement le rétablissement de la monarchie; les pères conscrits de la rue de Rivoli, qui savent à quoi s’en tenir sur les velléités guerrières de leurs complices, ont imposé silence à ces turbulentes initiatives, et ont décidé, à la presqu’unanimité, comme il convient à des conspirateurs prudes, que le parti légitimiste ne demanderait pas la révision, qu’en un mot, il consentirait à ajourner ses espérances, et permettrait à la République de vivre encore quelque temps....