Extrait du journal

COMME QUOI LA VERTU EST DÉCIDÉMENT BIEN l'LUS RARE CHEZ LES HOMMES QUE CHEZ LES FEMMES. O vertu masculine, tu n’es qu’un vain nom ! Et notez que par vertu je ne comprends pas seu lement la pudeur poussée jusqu’au paroxisme, — j’entends par ce mot le dévoùment. l’abnégation, le désintéressement, la charité, la probité chez les co chers de citadines, autres qualités non moins rares que recommandables. Quatre-vingt prix Montyon viennent d’être distri bués tout récemment, et sur ce nombre deux seule ment ont été obtenus par des personnes du sexe masculin. La vertu des hommes comparée à celle des fem mes est done dans la proportion de 2 à 78. Ce résultat arithmétique est désolant, et il serait bon que l’Académie française prit des mesures pour encourager les hommes à pratiquer davantage la vertu. D’abord les académiciens pourraient prêcher d’exemple, et si chacun d’eux distribuait à tour de rôle des bouillons sur le pont des Arts, de midi à deux heures, cela serait une très bonne idée ; l’hiver ils y joindraient des cotterets. Ces largesses coûtent moins cher qu’on ne croit lorsqu’on sait faire provision de vieux jeux de do minos au Temple ; — la plus forte dépense consiste dans l’achat d’un manteau bleu. Point de philanthrope sans manteau bleu. J’ai vu une fois, une seule fois, un distributeur de soupe économique porteur d’un paletot noisette et tout le monde le regardait comme un philanthro pe marron* Mais des bouillons hollandais même, distribués en immense quantité, ne suffiraient pas pour pousser...