Extrait du journal

12 NOVEMBRE. DE LA NOUVELLE CHAMBRE. On s'accorde à constater deux résultats dans les élections qui vien nent d'avoir lieu : 1°les opinions, indépendantes et progressives ont été numériquement renforcées ; 2° les opinions stationnaires ou ré trogrades, en outre des pertes qu'elles ont faites, ont reçu des mani festations même du corps électoral un échec dont elles ne se relève ront pas. Nous avions, dans la dernière session, un parti à la chambre, qui s'arrogeait insolemment le droit de parler au nom du pays ; en toute occasion, il se posait comme l'expression de la majorité légale, et ne se faisait faute d'écraser de ses dédains, de persifler comme minorité le* opinions qui entraient en lutte avec lui. Aux prises avec ces pré tentions fanfaronnes, l'ancienne chambre ne savait ni les subir ni le» repousser : ses bons instincts lui disaient que le pays n'était pas avec les doctrinaires ; son irrésolution et ses faiblesses ne lui permettaient pas de rompre avec eux. Ainsi le champ restait libre aux déclamations furibondes de la coterie, qui, par le seul ascendant ,de son audace, a surpris, en plus d'une occasion," l'assentiment parlementaire. Mais, en présence du pays même, le malentendu ne pouvait pas durer, et ç'a été un spectacle singulièrement curieux et instructif que l'attitude prise par les doctrinaires devant le corps électoral. Comme ils se sont faits petits, ces hommes superbes ! comme ils se sont humanisé?, ces hommes impitoyables ! comme ils se sont faits peuple, ces encroûtés aristocrates! eux, ennemis des réformes! Al lons donc, mais on n'y pense pas •. ils accepteront, ils provoqueront toutes les améliorations désiréês, y compris la réforme électorale qu'ils pousseront jusque dans ses plus extrêmes limites, eux, parti sans des privilèges, des apanages féodaux. Erreur étrange-! on ne sait pas tout ce qu'if y a d'amour de l'égalité dans leurs ames, aussi bien trempées que Celle des puritains de l'assemblée constituante. Le pays s'est prononcé ; ils disent de grand cœur comme le pays = plus ' d'apanages, plus de dotations féodales ! eux, hommes d'intimi dation et de répression exagérée ! Mais c'est une pure calomnie ! ils sont tout confits de bonnes et conciliantes intentions, ils adorent l'amnistie, ils l'ont faite, et pour que la France file des jours d'or et de soie il ne lui manque que de s'en remettre à eux pour achever la bienheureuse fusion des partis. •v.4. { Telles sont les palinodies que nous venons d'entendre; mais les élec teurs, gens de bon sens et de droiture, ne se sont pas tous mon trés crédules à ces soudaines conversions. Dans plus d'un lieu, après avoir exigé, à haute voix le meâ culpâ du candidat doctrinaire, ils ont eu la cruauté de l'éliminer sans plus de façons, avec la courte honte de ses convictions reniées. Aussi y aura-t-il de grands vides sur les bancs de la doctrine , et ceux qui y retrouveront une place arriveront quelque peu étourdis de la leçon électorale qu'ils viennent de recevoir : les chefs, dans des calculs d'ambitions aisés à prévbir, essaieront de refaire à neuf leur politique et de l'approprier aux cir constances, et l'on peut dire en toute assurance, que s'il y a encore quelques rares doctrinaires à la chambre, il n'y aura plus de parti doctrinaire. Mais pendant qu'ils se débattaient avec leur passé , en face des électeurs , quelle était l'attitude de leurs adversaires de l'ancienne chambre? Ici la scène change : tout ce qu'on a fait, on l'avoue ; tout ce qu'on a dit, on le maintient : ce qu'on a voulu, on le veut encore; ■Ce qu'on n'a pu faire, on le fera ; ce qu'on a commencé, on l'achè...