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Le Constitutionnel, 30 octobre 1841

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Le Constitutionnel
30 octobre 1841


Extrait du journal

UN MERLAN FRIT. POCHADE ANGLAISE. 1. ' — Ce que je voudrais pour mon dîner 1 répondit Nicolas à la question de sa femme, s'il faut le dire, je voudrais un merlan frit. Et le digne jeune homme, en prononçant ces deux derniers mots, .passa sa langue sur ses lèvres. — Eh bien! lui répliqua aigrement mistr.ess Dunks, sa douce moitié : c'est justement ce que 'fous n aurez pas. — Hum ! prononça Nicolas. — Quand vous direz hum vingt fois! je n'ai pas de merlan aujour d'hui, et j'ai d'autre poisson... voilà deux bonnes raisons, j'espèfe. — Alors, femme, pourquoi me demander ce que je voudrais? — Parce que je suis une solte. Ne devais-je pas bien savoir que vous chercheriez à me causer tout l'embarras possible avec vos caprices ? Un merlan-frit!... Vraiment! on vous en souhaite. • . —Hum! hum l répéta encore Nicolas ; et prenant son chapeau, il le brossa avec sa manche en guise de vergette : puis il l'enfonça sur sa tête comme un homme déterminé à faire une fois sa volonté. — Et où courez-vous, à l'heure qu'il est? demanda aigrement mistress Dunks, qui avait observé du coin de l'œil ces préparatifs — Ghercher ailleurs ce qu'on me refiise ici, répliqua Nicolas. Et sans attendre de réponse, il sortit. Mistress Dunks demeura un instant ébahie : elle se précipita sur le seuil de la porto, et vit son mari qui s'éloignait à grands pas, la tête haute, les mains enfoncées dans ses poches. Au premier coin de rue il disparut à sesyeux. Nicolas Dunks avait raison. Un homme n'est pas un homme . lorsque, désirant manger un merlan frit à son diner, il ne peut se passer cette fantaisie, surtout s'il a quelqu'argent dans sa poche. Nicolas appartenait au corps respectable des tailleurs. Si les gens de cette profession font as sez généralement le sacrifice de leur dignité masculin* dans les choses du ménage, on sait, d'un autre côté, qu'ils ne sacrifient jamais leur appétit, et que leur estomac est exigeant. Nicolas n'avait que vingt-cinq ans, sa femme touchait à la cinquantaine. L'un était doux de caractère , simple d'esprit, rangé, laborieux et, de plus , assez bien tourné ; l'autre était criarde, hargneuse, jalouse, adonnée au gin et au porter. Veuve d'un premier mari, elle avait épousé l'honnête Nicolas, qui n'était encore qu'apprenti tailleur , et dont les couleurs fraîches l'avaient séduite. Ce lui-ci s'était laissé éblouir par la perspective magnifique d'avoir une boutique à lui , une enseigne à lui, et de commander là où il obéissait naguère. Le bon jeune homme n'avait pas vaque la veuve , avec ses cinquante ans et son humeur acariâtre , entrait aussi dans la perspec tive. 11 s'en aperçut trop lard. Ils n'étaient mariés que depuis six semai nes, et vingt fois déjà Nicolas , poussé à bout, avait été tenté de prendre son chapeau et d'aller dîner tranquillement loin de sa femme. Cependant il avait résisté jusque-là. Cette dernière contrariété fut la goutte d'eau qui fait déborder un vase plein. Nicolas aimait naturellement le merlan frit. Pour contenter son envie, il étouffa tous ses scrupules....

À propos

Le Constitutionnel fut un quotidien politique sur quatre pages, fondé par Fouché et une quinzaine d’actionnaires, pour la plupart contributeurs du journal. D’abord bonapartiste, il s’agissait d’un organe puissant jusqu’à la naissance du Second Empire, rassemblant bonapartistes, libéraux et anticléricaux. Marqué par la personnalité d’Adolphe Thiers, le journal rendait compte des informations diplomatiques européennes, mais discutait également de l’actualité politique française.

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