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Le Figaro, 13 novembre 1870

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Le Figaro
13 novembre 1870


Extrait du journal

(attention) vous demandez à un huissier de l'hôtel un verre de bordeaux. S^l vous toise avec' mépris, - c'est à recommencer ; s'il vous le sert, ça, y est, vous êtes du gouvernement. » y # * C'est «merveilleux! et l'emploi qu'on a fait de cette recette le 4 septembre prouve son efficacité. Une fois nommé du Gouvernement, par la grâce de Dieu etbeaucoup'de toupet, on décrète, on signe, on emprunte et l'on case tous ses bons petits amis. / * Une semaine environ avait passé sur le Gouvernement.de la défense.nationale, lorsque je rencontrai, dans les environs de la, rue Rossini, un charmant garçon, que j'avais connu sur te turf et qui, m'a vait-on dit, fabriquait des jouets d'en fants. Il portait un de ces nombreux uniformes de francs-tireurs, dont la variété est plus infinie que celle des perroquets. Il vint à moi et me dit : — Je suis officier- du Gouvernement provisoire ! L'heure des étonnements étant déjà passée, je me hâtai de lui répondre : — Bravo ! mais comment êtes-vous ar rivé à ce grade ? — Sans beaucoup de peine, allez, j'ai rencontré un membre du Gouvernement qui m'a dit : « Tiens c'est vous, qui avez vendu une poupée à ma fille ! Que dé sirez-vous ? — Il me serait agréable d'être officier d'ordonnance — Ce n'est que cela?... Le membre du Gouvernement griffonna uu petit papier, et le fabricant de pou pées articulées eut son grade sans coup férir. Nommons-nous les uns les autres ! c'est parole d'Evangile. Cette façon d'atteindre le sommet de la faveur me rappelle une anecdote : Une nuit, deux jeunes gens eurent l'idée de s'introduire dans un bal où ils ne con naissaient absolument personne. Sans hé siter, le premier présente le second au père de la jeune fille, et le second présente le premier à la mère, en lui disant : — Vous permettez, je suis un ami de votre mari. A quatre heures du matin, ils étaient liés avec tout le monde ! On devient-, du Gouvernement parce qu'on était de l'opposition, et l'on rede vient de< l'opposition dès qu'on cesse de faire partie du Gouvernement. Tous les dix-huit ans, ce sont presque les mêmes figures qui reviennent, et la nation se laisse toujours pincer à cela; c'est l'art d'accommoder les restes. Un séjour de trois mois au pouvoir donne le droit de répéter ces mots à cha que bout de phrase : « Quand j'étais du Gouvernement, » ou pour désigner quel qu'un : « Tiens ! ce jeune homme, c'est moi qui l'ai fait ce qu'il est quand j'étais du Gouvernement. »' A force d'entendre répéter la même chose, les badauds de Paris finissent par reprendre l'idole qu'ils avaient brisée, oubliant que s'ils l'avaient brisée, ce n'était pas sans motif. Cela s'appelle le réplâtrage politique. Eh bien! vrai, je ne compte pas beau coup sur tout ce qu'on nous promet entré Paris et Tours, et pour certains hommes qui détiennent le pouvoir, je ne vois pas trop comment se terminera l'aventure; Puis enfin, un beau jour, ils ont le sort de ces petits morceaux de taffetas que l'on colle sur les blessures, et qui tombent d'eux-mêmes dès que la plaie est cica trisée ? Bobert Milton....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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