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Le Figaro, 16 octobre 1872

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Le Figaro
16 octobre 1872


Extrait du journal

faite malgré nos forfaits et malgré nos démences ; nous n'y avons aucune part ; et ce ne sera qu'une résurrection factice tant que nous ne nous serons pas relevés nous-mêmes. > Les plus grandes richesses du monde protégées, par le sabre ne suffisent pas longtemps à faire vivre une nation. Le corps peut avoir le pain pour se nourrir et le fer pour se défendre; mais, à ce corps il faut une âme. Or, que. faut-il pour que l'âme de la France se relève? D'abord et avant tout, sortir -de l'ornière où l'on se traîne de puis deux ans. Au lieu de regarder autour de nous pour chercher des coupables, et à l'hori zon pour chercher des alliés, que chacun descend^ enfin eh lui-même pour y trou ver et le coupable et le sauveur. Le jour où toutes ces voix qui s'accu sent feront silence, ce jour-là seulement l'Europe rendra son estime à la nation frappée, et cette nation pourra elle-même se reprendre à l'espérance. C'est ce qu'hier encore j'entendais dire au ministre d'un grand empiré qui m'a vouait avec tristesse, que, jusqu'ici, ce qui arrêtait 1& bon vouloir des nations pour la France, c'était la France elle-même. •—«Mais, quand donc,me disait-il, votre pauvre et cher pays reviendra-t-il à la raison ? Est-il vraiment impossible de lui faire entrevoir la vérité ? Si vous saviez ce que nous, autres, qui vous aimons et qui adorons votre Paris, si vous saviez ce que nous éprouvons depuis deuxans que nous attendons toujours votre réveil, et que le Prussien nous dit : Ils ne se réveilleront pas!...» Hélas ! le Prussien aurait-il raison? De vant tout ce qui se passe, on a peur de le croire. Aujourd'hui, ministres et députés se plaignent que des imprudents empêchent la France de se relever; ils nous affir ment que, sans eux, notre pays aurait déjà repris son rang dans le monde : mais n'at-on pas le droit de leur dire : Qu'avezvous fait vous-même, pour arracher • la France à l'influence de ces hommes ? Réactionnaires et républicains, vous qui accusez vos adversaires de tous nos malheurs, qu'avez-vous fait pour relever la nation abaissée ? Il est facile de se promener" au milieu d'un peuple en démence, lui désignant toujours des coupables, sans avoir jamais le courage de se désigner soi-même: Il est facile de jeter l'anathème sur l'empire, sur Gambetta, sur les dictateurs et les révo lutionnaires. Mais, quelles paroles avez-vous dites pour éclairer ce peuple, pour l'empêcher de subir désormais de nouveaux révolu tionnaires et de nouveaux dictateurs ? Jusqu'ici, chacun de vous a marché à son but, satisfaisant son ambition ou sa haine, et au lieu de prendre les événe ments par leur côté moral, faisant de la politique, ou continuant sans dégoût cette triste et facile besogne de flatter la multitude. Chacun n'a vu dans nos désastres qu'une pâture à ses passions ; passions monarchi ques ou républicaines, passions catholi ques ou protestantes ;"mais personne ù'a voulu y voir une grande leçon d'en haut donnée à la nation tout entière....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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