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Le Figaro, 18 juin 1933

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Le Figaro
18 juin 1933


Extrait du journal

On ne peut pas savoir si le national-so cialisme -allemand osera entreprendre la persécution des catholiques, après celle des juifs, mais les incidents de Munich com portent en, eux-mêmes un enseignement, et même deux, si l'on note qu'en usant de bienveillance à l'égard des hitlériens le Va tican a montré qu'il pouvait être très mal informé. Les bagarres de Bavière prouvent l'état d'exaltation dans lequel est aujourd'hui la plus grande partie du peuple allemand, exaltation dangereuse parce qu'elle est en tretenue par un orgueil délirant dont les autres nations ne peuvent se faire une idée. L'orgueil"fasciste, qui a choqué et heurte encore beaucoup d'étrangers, n'est pas, à beaucoup près, aussi furieux ; il n'est pas .san£ r ..noblesse,^ iJ aspire,,1 témérairement, peut-être, à de"Vastes constructions .; il se nourrit du souvenir d'un grand passé. L'outrecuidance germanique aspire sur tout à de grandioses dévastations, s'échauf fe au souvenir d'un passé misérable, ru mine la rancune millénaire d'avoir été, au temps des..grandes invasions, refoulée de l'ouest et du sud. La littérature n'est pas seule à entretenir la .mémoire des époques barbares ; l'âme allemande, et surtout prussienne, en garde une indélébile nostalgie, avec des vestiges du culte des dieux cruels, des sacrifices humains et de l'omnipotence de la force. Hitler a fait revenir au premier plan ces sentiments atténués au contact de l'Occi dent et du christianisme. Il est permis de douter que le Dieu des chrétiens soit, pour les Allemands, tout à fait le même que pour le reste de l'Europe. Dans l'état d'esprit où se trouvent certains d'entre eux, ce Dieu va devenir un adversaire, parce qu'il est le Dieu de paix. Notre excellent confrère le Journal de Rouen de mercredi dernier cite, d'ailleurs, d'après une conférence du comte Robert d'Harcourt, des propos insensés publiés tout récemment dans des revues alleman des : « Nous nous disons chrétiens, mais nous neJe sommes pas et ne pouvons pas l'être. Le christianisme est incompatible avec no tre race. L'ascète crucifié est un dieu pour vieillards et pour malades... C'est au nom de la croix gammée, l'antique symbole nor dique, et non pas au nom du Golgotha que l'Allemagne fête aujourd'hui sa résurrec tion. > ' « Jésus a fait l'essai manqué d'insuffler une vie nouvelle à la .vieille religion des temps les plus reculés. Le chemin qui passe par la religion de l'Ancien Testament et du Nouveau Testament est un détour pour l'homme qui a le sens germanique. » Si le Troisième Reich n'ose pas entre prendre la chasse aux catholiques — et, un peu plus tard, aux protestants trop tièdes — ;il va certainement commencer une lutte sournoise contre l'humanisme chré tien;, la ruée sauvage à laquelle il se pré pare ne saurait s'embarrasser d'aucun élé ment modérateur, la mobilisation morale qu'il poursuit avec acharnement doit im poser un idéal de meurtre. On ne saurait exagérer la violence.de ce danger ; il permet d'apprécier la valeur de la confiance mise. à la. base du Pacte à quatre. Lucien Souchon....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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