PRÉCÉDENT

Le Figaro, 20 février 1939

SUIVANT

URL invalide

Le Figaro
20 février 1939


Extrait du journal

PASTELS DE PARIS LES JACINTHES Par GÉRARD D'HOUVILLE Depuis qu'elles, ont été conviées à embellir de leurs parfums les corbeilles de Noël et du jour de l'An, les jacinthes, dès le début de l'hiver sont pari-, siennes. Et, maintenant que les fêtes sont passées et que, la température s'adoucit, la rangée de leurs petits pots orne le seuil de maintes boutiques de fleuristes. Elles ont : l'air de soldats de féerie, vêtus d'uniformes bleus, lilas et roses. Les unes sont encore en bouton, trapues et peu • colorées. Les autres ont poussé haut et vite et semblent se consumer en se fanant comme des cires de cierges nains qui auraient fleuri. Les unes ont des corolles sim ples et profondes, les autres des pétalès redoublés, gor gés de sucs sirupeux. Filles d'Asie, devenues hollandaises, elles ornent les jardins et les demeures de toutes les „■ contrées et, de la plus humble à la plus rare, elles sont cultivées avec amour. Quel est l'enfant qui n'a pas guette le miracle de la tige et des fleurs, penché sur sa bouteille transparente où trempent oignons et radicelles, ou sur la jardinière terreuse posée au bord de la fenêtre ? Dès que, luisant et crispé, le vert satiné de l'ongle végétal a percé la suprême enveloppe de soie fripée, la hampe, avide d'air et de jour, grandit rapidement et les feuilles s'allongent et les boutons s'ouvrent après avoir gonflé et révélé leur teinte future par des tons nuancés qui, peu à peu, effacent le vert, s'imposent, s'intensifient, s'affirment en une cou leur définitive. Le rose y prend des saveurs comestibles et sucrées, le jaune un cireux de jasmins des îles, le pour pre, le violet des profondeurs de tons se fonçant au cœur du périanthe. Il y en a des bleus de nuit, ces bleus un peu violacés de certains vitraux, qui sont superbes de force florale et de sombre et délicieuse odeur. Mais, rien n'égale en suavité leurs bleus si pâles, presque mauves, un peu lilas, pareils aux soirs encore clairs d'un azur qui s'éteint, aux lettres qui s'effacent en'un tiroir secret, aux rubans des pastels de La Tour. Sans nul doute, je tiens pour avoir été de ce bleu-là la jacinthe dont parle le poète de Gaspard de la Nuit quand il nous'dit que Mme de Montbazon, trop lasse d'une longue et vaine attente amoureuse, mourut dans le parfum d'une jacinthe... Elles ont des noms mystérieux, évocateurs et magni fiques, ou précis, étiquetant les amateurs qui les cultivè rent. Autant que les tulipes, elles ont leurs fervents. Bien tôt, dans les parterres du beau jardïn de Bagatelle, nous les '■ admirerons, comme tous; les printemps, groupées par espèces et par couleurs et composant une riche mosaïque de parfums. Parfois, la Belgique, la Hollande, nous en font des présents merveilleux, et je me souviens de leurs tapis embaumés et multicolores jetés par endroits avec une-magnificence bien dessinée dans les jardins du Car rousel. Bientôt aussi, mais plus tard, fleuriront par milliers les jacinthes sauvages, celles-là qu'on appelle aussi Endymions, en souvenir du beau jeune homme endormi dans les forêts au bord des sources et que Diane, la déesse — selon certaines fables — contempla avec tant d'étonnément charmé qu'elle lui déroba un baiser pendant son sommeil. Ce fut sans doute un poète qui, en allégorie de ce nocturne mythologique, nomma « Endymions » ces petites jacinthes d'un bleu d'eau, qui fleurissent par nappes dans nos forêts, bien à l'ombre et qui, lorsqu'on les voit de loin, simulent la torpeur et le reflet d'un étan«dormant sous la lune. Elles « émaillent » aussi selon le vieux ternie consacré, si juste, les pelouses, mais non plus en troupes opalines, une de-ci, une de-là — et peut-être, alors, de l'espèce « agraphis » — et faisant bon ménage avec les narcisses, les jonquilles, les premiers crocus, toute cette joaillerie du printemps, exposée sur des écrins verts. En attendant ces profusions saisonnières et natu relles,^ je me contente d'une jacinthe bleue solitaire et cultivée par la fleuriste en son modeste petit pot de terre cuite. Par les charmes et les pouvoirs de son parfum et de sa couleur, elle me suggère à la fois des souvenirs — car tous les ans j'ai chéri des jacinthes — des espoirs, des rêves, des visions vivantes, et des sortilèges poétiques. Bienfait magique de la fleur éphémère, qui meurt, mais nous est sans fin rendue toujours autre... et à jamais pareille... Gérard d'HouvIII*....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

En savoir plus
Données de classification
  • tino rossi
  • léon bérard
  • baudrillart
  • pierlot
  • landini
  • franco
  • verdier
  • tino
  • clermont-tonnerre
  • gaillemin
  • burgos
  • france
  • londres
  • berlin
  • moscou
  • paris
  • bruxelles
  • alpes
  • madrid
  • italie
  • union
  • agence havas
  • parti libéral
  • foreign office
  • fédération des industries
  • l. d
  • académie française
  • p. l
  • k. p.
  • union républicaine