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Le Figaro, 22 septembre 1929

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Le Figaro
22 septembre 1929


Extrait du journal

Je vous écris de notre maisonnette béarnaise, où les premiers sourires mélancoliques de l'au tomne sont délicieux. Vous me direz, le calendrier à la main, que ce n'est pas encore l'automne. Je vous l'accorde volontiers, mais il n'importe guère, s'il est déjà des feuilles rousses qui tombent des tilleuls. Au demeurant, le ciel du soir est plein d'étoiles ; et lorsque la prairie est, à la même heure, toute fleurie de vers luisants, on en vient à penser que les astres, quand ils sont fatigués, se viennent reposer dans l'herbe. La lune est blanche au bout du peuplier, comme un bel œuf sur un jet d'eau, et les grillons éperdument chantent la tiède nuit de septembre. On n'entend plus qu'eux. Où sont les autobus qui faisaient trembler les vitres de Paris et la corne des taxis qui nous arrachait à nos rêves ? Mais il est ici d'autres vacarmes nocturnes. Ima ginez que trois ou quatre: chiens, vers les deux» heures du matin, traversent le verger et galopent à fond de train en aboyant sous vos fenêtres. Ils chassent. A l'autre bout du village, leur maître dort sans doute et fort tranquillement. Le lièvre, invi sible et silencieux, file devant les chiens et, de l'autre côté, perce la haie. Eveillés en sursaut, nous nous sentons tous ïamis du lièvre ; nous louons du moins sa discrétioft, puisqu'il est, en l'aventure, le seul qu'on n'entende pas. Il est, à chaque instant, au point d'être dévoré, et ne dit pas un mot ! Combien je le préfère à ce loup emphatique que connut Vigny et qui, s'il ne parlait pas non plus, ne faisait pas mieux que notre lièvre. Notez qu'il suffirait, pour détourner la chasse, de fermer le soir la porte du verger. Mais on ne l'a jamais vue close. Elle donne sur un petit che min où deux sureaux, sous la lune, bercent leur ombre. Elle n'est d'ailleurs munie que d'un vieux lo quet. Les chiens pourtant ne sauraient faire jouer un loquet ! Nous la fermerons donc et dormirons en paix. C'est chose dite et chose faite. Mais, à l'heure du coucher, le petit Patachou s'égare dans le verger. — Au lit ! Patachou ! Où es-tu ?... 'Il est, dans l'obscurité, près de la porte. Que vois-je ? Il l'a ouverte. Il est un peu confus. — Tu comprends, me dit-il, c'est pour le lièvre!.. II sait qu'il peut passer par ici, puisqu'il y passe toutes les nuits et, s'il trouve tout à l'heure la porté fermée, les chiens le mangeront soiis la loquet. Tu ne veux pas leur donner ce plaisir, puisque tu te plains qu'ils nous empêchent tous de dormir L. Nous laisserons la porte ouverte, mais Pata chou devrait bien apprendre au lièvre à la fermer derrière lui. Tristan Derème....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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