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Le Figaro, 23 novembre 1865

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Le Figaro
23 novembre 1865


Extrait du journal

Sa silhouette s'y effile sur les portants et les toiles de fond, et c'est à l'état de point rose que l'on découvre, dans le verre des jumelles, sa physionomie accentuée, si vivante et si par lante sur une petite scène comme celle du théâtre d'élèves de la rue Bergère. Alice, sous les traits -de la débutante, c'est une statuette évidée du moyen âge : la draperie massive ne recouvre qu'une âme. La voix qui s'échappe de cette frêle poitrine, sans avoir un grand volume, est chaude et métalli que. Bien timbrée dans les notes élevées du soprano, elle est assise sur un médium un peu sourd. Comme le reproche ne s'adresse pas à elle et ne touche que le metteur en scène d'un organe généreux et sympathique, je ne cacherai point à Mlle Mauduit qu'elle a fait de bien médiocres études vocales. C'est à peu près à recommencer. Qu'elle ne se décourage point : les recommencements sont faciles et même agréables avec l'envie de bien faire et de plaire, chose doublement aisée à l'artiste qui est femme. Le professeur par excellence, c'est le théâtre, et les leçons y sont données par quelques hommes de goût, dont Je chanteur, qui se pique de mériter un jour ce nom, sait bien vite démêler l'approbation ou la désapproba tion tacite. En cherchant dans la salle et en écoutant « du re gard » ce professeur unique et désintéressé, le seul qu'on ne voie point hâter l'éclosion des talents en serre chaude, Mlle Mauduit apprendra que le secret de se surpasser àla scène ne consiste point à se surmener, et que, pour y chanter avec beaucoup d'âme, il n'est point nécessaire d'y pousser des sons de toutes ses forces. On lui a appris au Conservotoire à crier sur trois notes aiguës : la, si, do. Outrele danger de la fatigue d'abord, de la ruine s'il est répété, cet exercice violent a l'in convénient^ d'altérer d'une façon désagréable des notes ob tenues à l'aide de cet effort prodigieux ; de rompre dans la voix l'homogénéité du timbre, et, en la déplaçant par ces horribles clameurs à l'aigu, de l'amincir, de l'annuler, de la faire vaciller et sur l'intonation et sur sa base naturelle, le médium....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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