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Le Figaro, 4 décembre 1920

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Le Figaro
4 décembre 1920


Extrait du journal

C'est mie histoire qui n'est pas nouvelle mais qui se renouvelle. Je suis brouillé avec des amis agréables, les Manivelle, parce qu'ils m'ont demandé des places de théâtre et que je les leur ai données. Les Manivelle sont persuadés que j'ai des billets plein mes poches et que je n'ai qu'à les distribuer à mes intimes ; le hasard, l'au tre semaine, fit que je rencontrai un direc teur à qui je dis d'un ton léger : « Donnezmoi donc deux places pour chez vous . » — Mais comment donc ! avec plaisir ! C'est un fort brave homme qui emploie tous les moyens pour remplir sa salle ; quand il donne un billet, il a l'air de rendre un service, alors qu'en réalité c'est un service qu'on lui rend. Il griffonna donc sur sa carte : « Deux fau teuils », mit une date et me tendit le carton en ajoutant : — Pour lundi, n'est-ce pas ? c'est un jour creux... Les autres jours je refuse du monde. Il savait fort bien que j'étais fixé sur le chiffre de ses recettes, mais il débitait sa pe tite formule par habitude. Immédiatement j'ai expédié le billet aux Manivelle et j'ai attendu leurs remercie ments. Je les attends encore. J'ai appris qu'au contrôle, ils avaient été accueillis par un homme fort courtois qui, après avoir examiné le papier, pria M. Manivelle de vouloir bien acquitter les droits. C'est une formalité qui exaspère généra lement les amateurs de billets gratuits ; 11'auraient-ils que cinquante centimes à ver ser, ils ont l'impression qu'on les frustre, et mon ami reçut un choc au cœur quand la caissière, fort heureusement protégée des co lères publiques par, un treillage solide, dit d'une voix morte : — Sept francs cinquante par place... quinze francs ! ' — Quoi ! s'écria Manivelle. Elle répéta sa phrasé, les yeux baissés, habituée à la surprise désagréable des « in vités ». Mais celui-ci pensa qu'on se jouait de lui ; il expliqua : « Vous êtes folle, j'ai un billet, un billet du directeur... » — Parfaitement.. Si vous n'aviez pas de billet, ce serait vingt-cinq francs par fau teuil. • — C'est parfait ! eh bien vous pouvez les garder vos places ! Et jetant la carte au nez de la préposée, il àppella sa femme qui, de vant sa fureur, demeura coite et, en agitant des bras indignés, il l'entraîna dans un dé dale de rues sombres pour retourner chez lui. Non que le budget des Manivelle soit mal équilibré et qu'ils ne puissent dépenser quinze francs pour passer une soirée au théâ tre, mais ce sont des gens qui ont pris depuis longtemps l'habitude d'aller au spectacle sans payer et qui s'imaginent qu'on se mo quent d'eux le jour où ce plaisir est frappé d'un impôt'. J'ai revu hier les Manivelle chez des amis, je nfai pas parlé de la fâcheuse soirée, mais nos rapports ont été assez froids. Je sais, du reste, qu'ils me débinent partout et même ils ont laissé entendre que je devais toucher une forte commission sur les quinze francs qu'ils se sont refusés à payer. Robert Dieudonné....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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