Extrait du journal

Le communiqué du Conseil des ministres d'avant-hier se termine ainsi : « Le gouvernement tel qu'il est se présentera devant la Chambre le Ier juin et fera connaître à ce moment son programme pour la prochaine législa ture. » La langue politique est vraiment admirable : elle fait tenir beaucoup de choses en peu de mots et elle règle en un instant les problèmes les plus complexes. Il nous paraît que l'établissement d'un programme et l'accord des ministres sont un peu moins simples que ne lé laisse sup poser le communiqué. Le Cabinet d'union a été conçu dans un moment de crise. Il a eu pour mission essentielle de sauver le crédit public et de prouver que le problème financier était avant tout affaire de con fiance. Mais, en raison de sa composition même, les grands desseins lui étaient dé fendus. Comment aurait-il eu un program me, puisque les hommes dont il était formé avaient des idées différentes sur la plupart des sujets ? Il a donc laissé en dehors de son action un grand nombre de questions importantes. . A différentes reprises, M. Raymond Poincaré a dit avec franchise que l'œuvre de redressement était seule ment commencée et qu'il restait une série de mesures délicates à prendre. Aujourd'hui que les élections sont ter minées et qu'une Chambre nouvelle est à la veille de se mettre au travail, le gouver nement a le devoir de guider le Parlement et d'exposer ce qu'il entend faire. Avoir un programme n'est ni une formalité ni un luxe : c'est une nécessité. Mais un pro gramme n'est que le dessein de l'action, et toute action implique un choix. Le gouver nement est amené à avoir une conception nette du budget, une conception nette des économies, une conception nette des admi nistrations et des industries d'Etat. Espèret-il avant le l" juin réduire à l'unité les membres divers du Cabinet, les convertir aux mêmes notions, et faire accepter les mêmes solutions à des représentants de groupes divergents ? Les élections ont manifesté un certain mouvement de l'opinion. Elles ont donné la majorité à tous ceux qui ont soutenu une politique nationale, qu'ils soient membres de l'Union républicaine démocratique, ré publicains, de gauche ou% radicaux. Elles ont condamné la politique cartélliste et so cialisante. Les tentatives savantes faites pour disloquer cette majorité ne peuvent prévaloir contre l'évidence. Il est impossi ble que le programme du gouvernement lie tienne pas compte des indications données clairement par le suffrage universel. On voit déjà les survivants du cartellisme s'agi ter pour imposer leurs idées. Les représen tants de la politique nationale, eux, n'au ront pas besoin de s'agiter pour faire ac cepter les leurs. Ils n'ont qu'à rester unis et disciplinés, et à se rappeler avec calme qu'aucune politique n'est possible sans eux. —André Chaumeix....