PRÉCÉDENT

Le Figaro, 5 août 1866

SUIVANT

URL invalide

Le Figaro
5 août 1866


Extrait du journal

Naïades de la Seine, je ne viens point pleurer assis au bord de vos rives, mais j'ai connu vos berges touffues et vos îles ombreuses. J'ai vu les grands peupliers d'Italie aux troncs noueux pencher leurs branches dans votre onde tranquille ; et les liserons blancs s'enrouler autour des vieux saules. Quelques rares pêcheurs inoffensifs et recueillis venaient seuls s'as seoir sous ce pâle feuillage dans une immobilité peu féconde, de temps à autre la vareuse rouge et le blanc parasol d'un peintre éclataient dans la prairie verte, et à l'heure du midi, quand le roi des étés s'épandait sur Ja plaine, là tout était ombre et tout était silence. Qui nous rendra la belle île et son vert feuillage? Un beau soir d'été, des artistes qui se laissaient aller au fil de l'eau avaient pris possession de Croissy au nom du paysage moderne. Rousseau y voulait planter sa tente, Français y trouvait son Jardin antique, Anastasi et Villevieille y peignaient des saulaies, Corot jurait qu'à la nuH close on y surprenait des nymphîs avec des égypans, et Troyon le robuste commençait à comprendre qu'un pêcheur rele vant ses ver veux vaut un faune tressant des couronnes. Aujourd'hui lé pauvre Villevieille est couché dans la tombe. Il est mort à l'automne de l'année et au printemps de sa vie, l'amoureux des couchers de soleil! Troyon, qui aimait tant les divines odeurs des foins dort aussi sous la terre! — On a violé vos rives et décapité vos vieux saules, ô mon île ! et les oiseaux ne chantent plus. Le petit vin blanc de mon hôte est moin? frais et sa matelotte est plus chère. La fillette en robe claire ne rame plus en conduisant son bachot le long des rives, livrant sa peau blancheaux baisers du soleil, la tête couronnée de clochettes et de volub'.lis ; mais la Vieille Garde passe en ses pompeux canots, la main sur la barre , elle couvre d'un voile son front scandaleusement maquillé; et, de toutes parts, les poneyschase et les paniers à grelots longent la berge, ils abordent à la Grenouillère et déposent sur la rive des filles aux che veux rouges, aux yeux bordés de khol, et des froids gan dins....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

En savoir plus
Données de classification
  • b. jouvin
  • afam
  • paul laurent
  • rousseau
  • croissy
  • corot
  • aligre
  • ventadour
  • carcano
  • g. bourdin
  • villevieille
  • troyon
  • la seine
  • madrid
  • tempe
  • asnières
  • champagne
  • lacédémone
  • trouville
  • le nil