Extrait du journal

Il paraît que nous allons avoir à Paris un théâtre de danse. Un théâtre de vraie danse, embrassant tous les pays, et tous les temps, avec des artistes venus de toutes les capitales de l'Europe, et même de celles du désert, un théâtre d'art et de fantaisie, où l'on pourra se divertir à des spectacles pittoresques qui se ront en même temps de beaux spectacles. Et c'est à l'Exposition que nous le devrons. Com ment? Je vais vous le dire. Quelqu'un que je ne vous nommerai pas vint un jour trouver un des grands chefs de l'Ex position de 1900, et lui dit : — Monsieur le Grand Chef, est-il vrai que vous comptiez recevoir l'an prochain soixante millions de visiteurs ? — C'est vrai, je l'ai dit, et je ne crois pas me tromper du trentième. — Bon. Qu'est-ce que vous en ferez ? — Comment, ce que j'en ferai !... Mais je leur montrerai des monuments, des palais, des illuminations, je les promènerai à travers les produits du monde entier, je leur offrirai le spectacle de l'effort prodigieux où aboutit, au déclin de ce siècle, l'industrie universelle. — Vous croyez que cela leur suffira ?. : — Que voulez-vous-dire ? — Je veux dire que la plupart viendront à Paris pour s'amuser. Que leur donnerez-vous ? — Eh bien ! est-ce que vous croyez qu'on va s'ennuyer à l'Exposition ? Ils auront des distractions, des spectacles, des panoramas, dés concerts, des chansons, etc. — Et de la danse ? — De la danse aussi; 1889 a eu la Soledad, les gitanes, les petites Javanaises. Nous trou verons autre chose. — Je vous offre mieux. — Oh ! oh ! qu'est-ce que vaut votre mieux ? — Voici mon plan. Je pars de cette hypo thèse que sur soixante millions de visiteurs, vous aurez trente millions d'étrangers et un peu plus de vingt millions de provinciaux. Tous venus avec un magot, plus ou moins gros, mais avec, un magot dont ils sont décidés à ne rien rapporter. Quand ils" auront dépensé un franc pour entrer à l'Exposition, il leur en restera dix à distribuer à l'intérieur. De tous les spectacles que vous leur proposerez,, quel est celui qui les séduira le plus? Là est la question. Ce sera un. spectacle muet, car les étrangers ne -comprennent pas notre langue, et les provinciaux, en majorité, sont peu sensi bles au sel de calembredaines plus ou moins parisiennes. Mais si ce • spectacle muet est en même temps un spectacle mouvant et agissant ; si l'on y parle un .langage inar ticulé, mais accessible à toutes les intelli gences, le langage des gestes; si l'on y ré pand à profusion la beauté, la grâce, le pittoresque ; si on l'encadre dans de somp tueux décors, si on le vêt. de riches costumes, ce sera, vous n'en doutez pas, le « great at traction » de toute la foule cosmopolite en quête de sensations jolies. » Or ce spectacle sera nécessairement un spectacle de danse, et le théâtre où nous le montrerons s'appellera, le Palais de la Danse. t> Mais c'est ici que nous nous séparons des exhibitions des Expositions précédentes. Non pas que nous en contestions le haut intérêt, ni même la valeur artistique. Mais ces exhibitions n'étaient que des « numéros » isolés. Au lieu d'un numéro unique, nous en avons dix, vingt. Au lieu d'appeler des danseuses de Java où de Séville, qui dansent un pas et s'en vont, nous reconsti tuons .les danses de tous les pays et de tous les temps : danses grecques, hindoues, égyp tiennes ; danses druidiques, danses espagno les, anglaises, danses de la Renaissance ; dan ses guerrières ou religieuses, danses de pro vinces..'. toutes groupées en un'certain nom-bre de divertissements d'une durée maxima dé £uiaxante-cinç£' minutes, et constituant ^uel^ue...