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Le Figaro, 29 juin 1905

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Le Figaro
29 juin 1905


Extrait du journal

tes hécatombes de la guerre russo-japonaise ont inspiré au poète des Grands Cœurs, M. Stéphen Liégeard, l'éloquent et impressionnant appel à la Paix qu on va lire et dont nous sommes heureux d'offrir la primeur à nos lecteurs. ^ .. a. ., Ce poème, superbe cri d'humanité, sera interprété dimanche par Mlle Renee du. fijinu, de la Comédie-Française, à la séance publique annuelle de la Société national^ d encourage ment au bien que préside M. Stéphen Liégeard. Assez, assez et trop d'humaines hécatombes ! . ... , Assez d'épis couchés sous le fer acéré ! Jusques à quand l'obus creusera^t-il des tombes ?.... Qui calmera la soif de ce sable altéré ? Tant d'ossements sans nom rèstés sans funérailles . ' : ... Sur qui l'oiseau des nuits prend ses sombres ébats Ne suffisent-ils point pour clore, amples murailles, Le temple sanglant des combats ? Déjà la terre est ivre, ayant bu tant de vies 1 Le vautour au festin restera bientôt seul; Il semble que.déjà les vagues assouvies Aux cadavres flottants marchandent un linceul, Et tandis qu'en amas s'endorment du long somme Les épais bataillons foudroyés, face aux cieux, On peut voir le chacal, plus clément que n'est l'homme, Passer en détournant les yeux. De ce palais d'azur dont tu fais ta demeure, O Paix consolatrice, à notre appel descends ! • Faut-il que plus longtemps le soldat tue ou meure? . Que la poudre par toi se change en pur encens ! Viens vers les bords maudits, viens, et les mains ouvertes, • Sur un sol par la Mort tant de fois visité Laisse, de tes deux mains, tomber des palmes vertes Pour rafraîchir l'Humanité. C'est à tes chauds rayons, immortelle Déesse, Que tout naît, que tout croît, que tout devient plus grand ; L'enfant puise sa force au lait de ta tendresse, Ée blessé de la vie, à ta voix, se reprend ; Tes"regards ont du ciel la douceur infinie, Tu -donnes, inlassable en l'effort généreux, Sa moisson à la terre, au penseur son génie, Et ton sourire aux malheureux. Viens !... Comme on vit jadis les intrépides femmes Dont le nom glorieux a traversé les temps, Jeter dans la mêlée et leurs corps et leurs âmes • ■ ■ Pour étouffer la haine au cœur des combattants, —■ Sois l'astre précurseur d'une aurore prochaine ; . Montre aux preux l'oasis qu'il leur faut envier, Et que ton divin bras doucement les enchaîne • Dans des guirlandes d'olivier ! Oui, nous l'avons appris qu'il est parfois une heure Où s'éteint, même au ciel, la voix de la Pitié, Où l'époux fuit du sein de l'épouse qui pleure, Où l'acier ne fait pas sa besogne à moitié : Heure-terrible et sainte, et de nous trop connue, Quand vibrent au clairon et chaumière et manoiç, _ - que du fourreau. jaUlit'La. Lame nues ■ ' *" *' . , Tel un éclair dans le ciel noir. ■ Ah ! son glas tinte encor dans notre âme meurtrie ! C'est l'heure où l'étranger, sabre au poing, casque au front, A travers notre cœur veut frapper la Patrie; C'est l'instant où ses fils bondissant sous l'affront Volent, prêts à mourir pour qui leur donna l'être, EU d'un sol généreux fiers et nobles enfants, Devant la mère en deuil ne veulent reparaître Qu'inanimés ou triomphants. Mais pour le vain lambeau ; d'un chimérique empire S'entr'égorger sans trêve et nager dans le sang, • ' Dresser l'engin féroce, en inventer un pire, " Faucher, faucher toujours l'ennemi renaissant; PUis, quand le fer se tord, quand s'ébrèche le glaive, Unir la mélinite au shrapnell inhumain, Afin que, d'un seul coup, sur le charnier s'élève Un lit digne de leur hymen,— ' G'fest, quel qu'en soit l'éclat, payer trop cher la gloire 1 Je sais qu'un conquérant a droit d'immunité; U-étend sur la Mort l'aile de la Victoire... Màis quelle est la rançon de sa divinité? Qu'ont coûté ses lauriers, quand il pose les armes ? Se nommât-il César, soit-il Napoléon, C'est sous un lourd manteau tout constellé de larmes i Qu'il prend sa place au Panthéon. Et l'honneur des vaincus, la soif de la revanche ? - • . • Que veut à la concorde un appel impuissant, Quand pour que l'un renaisse et que l'autre s'étanche Ces• nouveaux Beaumanoirs boiraient plutôt leur sang? — La revanche !... Pourquoi ? Dans ce duel immense, Habile qui dirait, les mettant bout à bout, Où finit le vainqueur, où le vaincu commence... Et Stœssel tient l'honneur debout ! Stœssel, héros sorti des flancs de l'Epopée, » Dont Fâme aux assiégés Talut mieux qu'un rempart ; Stœssel qui, brandissant lé tronçon d'une épée, Des suprêmes dangers veut prendre encor sa part, Mais n'ayant désormais pour soldats que des- ombres, Devant l'icône-auguste infléchit les genoux Et s'écrie, à demi perdu sous les décombres : « Grand Souverain, pardonne-nous ! » (1) « Pardon! » a-t-il clamé? Pardon de quelle faute? Est-ce d'avoir, un an, sous les trombes de fer, Tenu, loque fumante à hampe toujours haute, Ge drapeau que semblait assaillir tout l'enfer ; D'avoir, lorsque les murs aux entrailles béantes S'écroulaient éventrés par le sinistre obus, Inscrit au Livre d'or des batailles géantes Un immortel feuillet de plus? Non, non, l'honneur est sauf... Qu'ils reposent sous l'herbe Ces enfants de la steppe au cœur audacieux! Ils ne pouvaient tomber en un heurt plus superbe, A Moins, nouveaux Titans, d'escalader les cieux. La Défaite pour eux fut sœur de la Victoire : Port-Arthur et Moukden dans un même tableau Apparaîtront un jour, éclairés par l'Histoire, Entre Pavie et Waterloo. Descends, clémente Paix, de la voûte éthérée Vers qui, loin des fureurs d'un autre âge d'airain, Tii voulus remonter, comme jadis Astrée ; Plane, après la tempête, en un ciel plus serein : Que la terre glacée où l'amante et la mère Ont, dans les nuits d'attente, épandu tant de pleurs, Reverdisse, baignée à la rosée amère, Et s'émaille de tendres fleurs ! Assez d'égorgements, de massacres immondes... Il sied à la Pitié de fermer le tombeau ! L'étincelle a jailli sous le choc des deux mondes : Qu'elle allume en ta main un éclatant flambeau ■ Gardien pour ces lutteurs des périls de l'abîme, Et, le front ceint des feux de ton éternité, Fais resplendir sur eux le mot doux et sublime, Le grand mot de Fraternité! Stéphen Liégeard....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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