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Le Fin de siècle, 11 juin 1899

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Le Fin de siècle
11 juin 1899


Extrait du journal

au contraire, dans sa réputation bien entendu, — ne disait jamais un mot désobligeant sur l’un ou l’autre des hommes avec qui elle avait eu commerce de sensation. Au contraire, elle les défendait, elle les soutenait, les grandis sait. Même, elle en disait tant de bien que ses amis finissaient par douter qu elle eût réellement eu ces hommes pour amants. Il paraît qu’un ancien amant ne pèse pas lourd dans l’estime d’une femme ; et, dit-on, on peut toujours soupçonner qu’une femme a été clémente et pro digue de ses petits trésors au bénéfice de ceux qui lui sont le plus antipa thiques. M'"e de X., plus « parisienne », plus habile par conséquent, avait pris un système opposé. Un jour de faiblesse, pourtant, faiblesse dont je suis assez content, elle eut assez de confiance en moi pour me parler d’une prétendue amie à elle, me conter sa vie en détail, mais avec tant de détails précis qu’il me fut impossible de nôtre pas certain que cette « amie » était Mm’’de X... elle-même! Elle me dit à peu près ceci ; « Je ne comprends pas que l’on n’accorde à une honnête femme que ce droit d’avoir un seul amant. A la fois, oui. Mais 1 un après l’autre? c’est trop exiger. D’ail leurs, très souvent, ce n’est point la femme qui fait les ruptures ; souvent c'est l’amant qui les mijote hypocrite ment, ou brutalement les impose. D’autres fois, des événements, des obli gations dont ni l'un ni 1 autre n’est maître, nécessitent aussi l'adieu. « Fn;ore. les amants se séparent comme les mariés divorcent, simple ment pour incompatibilité d’humeur. Lorsqu’on se prend la première fois, après des jours de cour charmants, les deux amants s’adorent. L’homme dit : « Ma maîtresse est un ange ! » La femme dit : « Mon amant est un trésor. » Et puis, au bout de quelques semaines, l’un ou l’autre s’aperçoit qu’il s’est trompé; ils ont des caractères diamé tralement |opposés. Alors la simple raison leur conseille la rupture, c’est la séparation à l’amiable, on se dit bonsoir, on s’embrasse tout de même... Au tour d’un autre. « J’affirme, me dit encore à peu près MI,|C de X..., que, lorsqu'une femme de la catégorie respectable, mariée si vous voulez, avec des enfants encore, mais jeune tout de même, a pris une fois un amant, à moins qu’elle ne soit tombée sur un abominable chenapan, elle en prendra plus tard d’autres. A côté de la famille, l’amant est une nécessité quand on y a goûté. C’est autre chose, que l’on n’a*point chez soi. On aime les préoc cupations que son existence suscite, on aime la peur des dangers que l’on court. On a besoin de l’inquiétude des heures du rendez-vous ; l’amant, c’est l’être qui fait passer les heures, qui occupe les loisirs de la journée et l’insomnie des huits. Maintenant, il faut reconnaître que Paris est un grand complice des adultères. La femme y est libre, elle s’y peut cacher, elle peut s’y perdre aisé ment, et d’un bout à l’autre ce sont des tentateurs et des tentations ; sous ce rap port. Paris, c’est une immense maison de tolérance. » Sans doute Mm6*de X... a Voit raison lorsqu’elle me disait à peu près les pa roles que je viens d'écrire. La Pari sienne, être spécial, dotée d’une éduca tion peu scrupuleuse et d’exemples immoraux, avide de satisfaire ses curio sités, généralement peu passionnée, mal faite pour les naturelles voluptés, cherche plutôt les aventures dans l’espoir d’y trouver quelque piment nouveau, quelque sensation spéciale amenée par des gestes nouveaux. La « parisienne » est vicieuse sans bien se rendre compte qu’elle l’est ; elle est légère, elle ne raisonne guère et n’envi sage pas plus les dangers qu elle cou11 qu’elle n’escompte les avantages pos sibles. Elle fait tout, et cela impudiquement, parce que ça n’est pas dangereux, parce qu’au fond cela ne lui est pas désa gréable, et parce que cela ne lui coûte rien. , , Je me suis beaucoup amuse de cette observation que j’ai laite : lorsque la...

À propos

Fondé fin 1890 par François Mainguy et René Émery, Le Fin de siècle était un journal mondain bihebdomadaire. Lorsqu’il paraît, il sort immédiatement de la masse en vertu de son style badin et de l’érotisme à peine voilé de ses dessins. En 1893, son « bal Fin de siècle » fait scandale à cause de la tenue très légère de certaines de ses convives. Quelques années plus tard, en 1909, le journal devient Le Nouveau Siècle. Il disparaît en 1910.

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