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Le Fin de siècle, 18 novembre 1897

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Le Fin de siècle
18 novembre 1897


Extrait du journal

Il sait éviter, mieux que quiconque, ces maladresses, ces froissements, ces brutalités, qui ruinent peu à peu la ten dresse et la tuent. S il n’est pas fidèle, d’une absolue fidélité, il sait du moins ne pas affli ger l’amie. Il respecte la jalousie, comme un mal déplorable de l’âme fé minine. La femme fut créée mono game, ayant plusieurs caprices peutêtre, mais un seul amour! L’homme, au contraire, est essentiellement vagabond. Celui qui veut s’astreindre à n’aimer qu’une douce amie peu à peu ruine cet amour et le détruit, tandis qu'au con traire il aurait pu le faire vivre long temps, en laissant déborder parfois les fougues et les désirs. En obéissant aux suggestions de l’in stinct qui le pousse vers de nouvelles chairs, l’amant puise sur les bouches passagères une plus vive passion pour celle qui est la préférée, l’unique aimée. Il lui revient plus ardent, plus épris, sûr que nulle autre ne lui donnera les mêmes joies, les mêmes extases. En résistant, au contraire, il ne fait qu’exaspérer son insatiable faim ; l’ap pétit muselé un jour prochain brisera la chaîne, s’atïolera, se répandra en des polygamies multiples, et s’égarera pour ne plus revenir au doux refuge béni des bras de la très chère. Les femmes savent que le médecin est un amant incomparable. Aussi les chercheuses d’amour vont-elles encom brer les cliniques et les consultations. Elles simulent d’étranges maladies, pro voquent d’intimes examens; sous pré texte d’une bronchite offrent la gloire de leurs seins, pour tenter le baiser. J’ai connu une très honnête petite femme, amoureuse de son médecin, qui simula, durant près d’un an, une paralysie générale. Elle demeurait clouée au lit, affirmant que le moindre mouvement lui était impossible. Ce docteur n’y comprenait rien. Il dénudait le joli corps, s’étonnait qu’il conservât toute sa fraîcheur, toute sa belle harmonie. Pour le ressusciter, il avait en vain employé l’électricité, les appareils dynamiques, les frictions, les massages. L’amoureuse se pâmait presque sous les mains curieuses qui s’efforcaient à vaincre le mal. Un jour, la croyant en dormie, le docteur, émerveillé par la grâce de ce corps, dont l’énigme le déconcertait, mit sur sur les seins émus le frisson de ses lèvres. Aussitôt la chair s’anima, les bras s’ouvrirent, la gorge tressaillit : — Ah 1 docteur, docteur, vous avez enfin découvert le remède 1 fit l’amante extasiée, bienheureuse d’avoir éveille, enfin, chez celui qu’elle aimait, le désir triomphant... Combien de médecins, par leur dou ceur et leur tendresse, sauvent ainsi les pauvres désolées, sevrées d’affection, de caresses, et qui seraient mortes de leur détresse, si la bouche compatissante ne les avait guéries 1 CLÉO...

À propos

Fondé fin 1890 par François Mainguy et René Émery, Le Fin de siècle était un journal mondain bihebdomadaire. Lorsqu’il paraît, il sort immédiatement de la masse en vertu de son style badin et de l’érotisme à peine voilé de ses dessins. En 1893, son « bal Fin de siècle » fait scandale à cause de la tenue très légère de certaines de ses convives. Quelques années plus tard, en 1909, le journal devient Le Nouveau Siècle. Il disparaît en 1910.

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