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Le Fin de siècle, 26 décembre 1897

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Le Fin de siècle
26 décembre 1897


Extrait du journal

santé qui efface les soucis et rend le courage. Puisez en votre cœur des trésors de bonté. Que vos baisers con solent l’amant des peines qu’il s’impose pour parer votre beauté de bijoux radieux et de toilettes brillantes. Soyez la belle et la bonne déesse, généreuse et fidèle. Evitez-lui les chagrins, comblezle de joie. Et vous serez aimée comme vous méritez de l’être. On est toujours récompensé selon ses actions. Je me souviens toujours, au temps de Noël, avec une grande émotion, de ce pauvre Louis Morletqui serait peut-être devenu un grand poète s’il avait vécu, et qui, pour cadeau, avait envoyé à sa maîtresse ces vers de jaloux : Souvent, j'ai fait ce vœu : que dans un vilain songe Tu perdis, à jamais, l’éclat de ta beauté, Tes veux bleus comme la violette d’Eté, Tes yeux à rêverie, amoureux du mensonge; J'ai prié Dieu qu’un mal affreux surgisse et ronge Le corail pur de ta bouche, où la volupté Sourit sans cesse en tes baisers; j’ai souhaité Des choses abominables... pour.qu’on t’y plonge ... Je ne me rappelle plus la fin du poème, mais voici ce que les six derniers vers voulaient dire : « Je voudrais que tu n’aies plus le moindre charme afin que personne ne te puisse désirer, afin que nul être ne pût songer à toi, afin que tu me restes toute. Car, j’aime infiniment plus ton âme que ta chair; car, même ignoblement flé trie, je t’aimerais toujours pareillement; et, alors, tu comprendrais combien mon amour était magnifique et sincère, puis que je serais le seul à t’adorer encore. Pardon de ces souhaits infâmes, mais je te donne; ais davantage que je ne dé sire que tu perdes. » Pour être un peu brutal, c’est tout de même la pensée d’un amoureux. Le malheur rapproche les amants et l’on sent mieux les bontés de l’amour quand on est aimée et qu’on n'est plus aima ble. Mais vous, chères lectrices, je veux que vous restiez belles ; vous, chères lectrices, je veux que vous soyiez tou jours aimées. Voici Noël ! rapprochezvous, amants! Cachez-vous deux par deux, afin de mieux enfermer l’amour avec vous. C’est la nuit du rire qui des cend sur la terre, apportez des baisers en cadeaux à vos maîtresses, oubliez toute rancune, c’est la nuit du plaisir et la nuit du pardon. Victorien du SAUSSAY....

À propos

Fondé fin 1890 par François Mainguy et René Émery, Le Fin de siècle était un journal mondain bihebdomadaire. Lorsqu’il paraît, il sort immédiatement de la masse en vertu de son style badin et de l’érotisme à peine voilé de ses dessins. En 1893, son « bal Fin de siècle » fait scandale à cause de la tenue très légère de certaines de ses convives. Quelques années plus tard, en 1909, le journal devient Le Nouveau Siècle. Il disparaît en 1910.

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