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Le Fin de siècle, 3 septembre 1895

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Le Fin de siècle
3 septembre 1895


Extrait du journal

ciée, de longtemps vous n’aurez, en le lien matrimonial, de cueillette joyeuse. L’amour est un art, le plus facile de tout à apprendre, mais il y a des brutes qui ne le (Rivent jamais connaître. Le maréchal qui fut un des premiers gouverneurs de l'Algérie, celui qui de manda, un jour, à une de ses invitées : — Comment, marquise, pouvez vous avoir des mains aussi blanches ? — Chaque soir, je couvre mes mains de glycérine et me gante de peau, répondit la marquise. — C’est épatant, continua le maréchal, voilà trente ans que je mets des culottes de peau et j’ai les cuisses noires comme un corbeau ! ce maréchal-là fut un mari extraordinaire et voici comment : Il épousa la maréchale quand il était déjà vieux. Jolie, naive, toute neuve, la maréchale fut une maîtresse, une vérirable amante. Elle dompta l’ours. Tout de suite elle commanda. Le maréchal, stupé fait, s’amusa d’avoir une supérieure et de subir ses volontés. 11 ne fut mari que la nuit où on lui permit de l’être. Je laisse parler le maréchal qui, dans un coin, un soir de fête chez la duchesse de la R....au faubourg Saint-Germain,me raconta àa première nuit matrimoniale : « Nous étions mariés depu-is huit jours, absolument, depuis huit jours, et rien d’extraordinaire n’était venu. J’avais peur de ma femme, et pourtant, je n’avais eu, jusqu’ici, peur de rien. » Enfin, un soir, j’arrive de promenade, pour dîner. Je trouve des fleurs partout. Stupéfait, j’allais demander pourquoi, quand je vois ma femme parée comme une châsse, qui me dit: « C’est pour toi ». Je i’embrasse, elle me baise, nous nous bai sons et nous dînons. Après dîner, nous étions pochards tous les deux, et très allu més, nous nous couvrons d'inédites ca resses. Ca me rappelait mes bonnes for tunes de cabinet particulier. Et, sans m’en apercevoir, de baisers en baisers, de ca resses en caresses, je pris ma femme, comme j’avais pris des .filles souvent ; et c’est ainsi, sur un canapé de fumoir, que je pris possession d’un bien qui, depuis huit jours, se refusait. Voilà dix ans que nous sommes mariés. Mariés ! ne le croyez pas. Ma femme n’est pas ma femme, c’est ma maîtresse. Je l’aime parce que j’ai la sensation qu'elle peut fiche son camp de main, et que je ne puis rien contre sa fuite. Nous avons des enfants? La belle affaire ! Elle me les laisserait sur les bras. Hein ! ma chère, me voyez-vous avec trois gosses sur les tétons î » Avant le lit, que faut-il donc être? Il ne faut pas imposer son plaisir à soi, il faut attendre que le désir du plaisir naisse chez la femme. A moins que l'homme soit un artiste capable d’éveiller d’un seul coup les sens prévenus de la vierge, il devra faire éclore sous son baiser, lentement, peu à peu, l’ardeur de la curieuse qui craint et sou haite d’être possédée. Faites de votre femme votre maîtresse; entourez-la de fleurs et de douces paroles. Tout près d'elle, unis presque, endormez la douleur atten due, consolez-la avant quelle pleure : et lorsque vous sentirez son corps prêt pour le sacrifice d’amour, souvenez-vous que vous avez su vous précautionner de tout ce qui devra soulager son mal. Que votre première nuit ne soit pas un viol et que l’épousée ne sorte pas de vos bras, lasse et meurtrie, sans avoir eu la sensation que vous avez voulu lui donner autant de plaisir que vous en avez cueilli. Tout votre avenir de bonheur dépendra de votre premier baiser : vous aurez toute votre vie à supporter la haine de votre femme, si vous n’avez été que brutal ; ou bien, vous aurez atteint tout de suite le vrai bonheur, le grand bonheur d’amour, si vous avez su faire mûrir le fruit char nel et l’amener au souverain baiser. L’AÏEULE....

À propos

Fondé fin 1890 par François Mainguy et René Émery, Le Fin de siècle était un journal mondain bihebdomadaire. Lorsqu’il paraît, il sort immédiatement de la masse en vertu de son style badin et de l’érotisme à peine voilé de ses dessins. En 1893, son « bal Fin de siècle » fait scandale à cause de la tenue très légère de certaines de ses convives. Quelques années plus tard, en 1909, le journal devient Le Nouveau Siècle. Il disparaît en 1910.

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