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Le Fin de siècle, 7 mai 1903

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Le Fin de siècle
7 mai 1903


Extrait du journal

Mardi. — Pour les vieux comédiens. — Non seulement Constant Coquelin est un très grand artiste, mais encore c’est un tout à fait brave homme, un bon cœur, un excellent camarade. Personne, au moins, ne pensera qu’en donnant cette matinée fa meuse, au profit de la maison de retraite des comédiens, Coquelin ait surtout songé à lui. L’artiste n’a vu dans cette œuvre cha ritable, de longue durée, que le bien être de ceux qui n’eurent pas sa fortune, et qui, un jour ou l’autre, peuvent être condamnés à souffrir d’une vie méchante, après avoir usé leurs forces à embellir de toutes sortes d’enchantements l’existence de ceux qui les regardèrent et les entendirent. Constant Coquelin aura, plus tard, son buste en marbre dans l’hospitalière de meure créée, fondée par lui ; le marbie fait si bien dans le feuillage sombre des arbres, au-dessus de la verdure fraîche des pelouses 1 Depuis cetteglorieuse matinée, qui demeu rera inoubliable pour tous les spectateurs et pour tous les artistes, je suis obsédée par la vision de ce monument de Coquelin, au milieu du verger, où il n’y aura pas la bana lité des seuls arbres fruitiers avec des prunes, des pommes et des poires, mais où des beaux saules pleureurs percheront leur mé lancolie, à côté de la noblesse d’un grand chêne à l’ombre duquel des noisetiers touffus mûriront leurs fruits enfantins. Et le long des sentiers, abandonnés un peu à la nature, où le sable ne sera pas trop bien ratissé, où pousseront, ici et là, quelques pissenlits, —le pissenlit a des boutons d’or et se mange en salade, — nous verrons, dans un nombre d années que je ne veux pas avoir la cruauté de désigner avec la séche resse d’un chiffre, de somptueux invalides qui auront été des Cids ou des Dames aux Camélias; nous contemplerons des vestiges d’amoureux, des ruines de coquettes irré sistibles, les gloires d’un temps ; blessés des planches et de la rampe, avec des orgueils entretenus et des illusions soutenues; et, je l’espère, ils seront vêtus des vieux costumes dans lesquels ils dépensèrent la plus grande somme de génie. Quelle magnifique excursion pour les voyages Cook futurs ! Tous les jeudis, le parc — nouveau Clunv — sera ouvert aux visiteurs. On pourra voir passer, ou rêver,...

À propos

Fondé fin 1890 par François Mainguy et René Émery, Le Fin de siècle était un journal mondain bihebdomadaire. Lorsqu’il paraît, il sort immédiatement de la masse en vertu de son style badin et de l’érotisme à peine voilé de ses dessins. En 1893, son « bal Fin de siècle » fait scandale à cause de la tenue très légère de certaines de ses convives. Quelques années plus tard, en 1909, le journal devient Le Nouveau Siècle. Il disparaît en 1910.

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