Extrait du journal

soupçon, rejeté d’abord bien loin, se redressait hideux devant son imagina tion tourmentée. Il sentait bien que son devoir eût été de fermer la bouche aux accusateurs de sa femme, puisqu’elle n'était pas là pour se défendre. C’eût été plus généreux à lui ; mais il ne pou vait pas lutter contre l’âpre curiosité qui le dévorait. Mille arguments spécieux, toujours au service des caractères faibles, lui venaient en aide pour contre-balancer ses irrésolutions. L’arme que tenait sa mère pouvait le blesser mortellement ; il le pressentait, et il ne put cependant résister à la tentation d’exiger qu’elle s’en servît. Reprenant la phrase interrompue, il somma Marie-Françoise, avec un ton ré solu, auquel il ne l’avait pas accoutu mée, de compléter sa pensée. Elle, croyant sans doute avoir satis fait suffisamment aux exigences de sa conscience en s’étant fait longtemps prier, céda enfin, et exposa au grand jour tous les griefs mis à la charge de Michelet te. Jacques l’écouta sans l’interrompre. Accoudé sur une table, la tête pressée entre ses mains jointes, il ne trahissait le poignant intérêt qu’il prenait à ce que racontait sa mère que par des mou vements convulsifs qui, de temps en temps, ébranlaient tout son corps. Marie-Françoise entremêlait son récit d’une quantité de petits faits passés pour lui presque inaperçus et qui, en se groupant, devaient lui apporter une conviction désespérante. Les dires de l’amie de Michelette avaient bien aussi leur poids et faisaient terriblement pen cher la balance où se pesait la réputa tion de l’accusée. — Seigneur Jésus ! que tu es pâle ! s’écria Marie-Françoise quand, après...