Extrait du journal

qui alors nous aurait dégagés lui-mê me. Les roseaux se brisaient dans nos mains. La vigoureuse tille de Lyzel, épuisée, découragée, avait des larmes dans les yeux. Je commençai à me demander, à part moi, si la seule ressource qui nous res tât n’était point de me jeter à la nage et d’aller chercher du secours. Ce n’é tait i>as, toutefois une petite entreprise; sans parler de la distance à franchir, des bords qui paraissaient peu accessi bles, oü irais-je ? Du côté de Lederzeele, c’était le plus court. .Mais nous n’a vions pas aperçu le moindre bateau de ce côté-là. Comment ferait-on pour nous secourir ? Quant à se diriger vers Lyzel, c’était impossible : je me serais perdu dans le labyrinthe infranchissable des canaux. Je me livrais donc à des ré flexions amères, et, sans doute, mon compagnon en faisait autant de son cô té. Les dames qui partageaient notre infortune étaient devenues silencieuses. Recroquevillées sur elles-mêmes, les mains croisées dans leurs manches, la tête ensevelie sous leurs capuchons, elles subissaient l’averse avec résigna tion. Mais qui était content dans toute cette aventure? C’était la grosse anguille qui, dans sa prison de verdure, frétillait en sentant l’humidité plus grande. A force de frétiller, elle s’échappa au milieu du bateau, comptant sans doute regagner ses retraites natales. Il se lit parmi nous un mouvement qui faillit nous devenir funeste ; le bateau pencha d’un côté et embarqua de l’eau ; un peu plus et il chavirait. La sueur m’en monte encore au front quand j’y songe....