Extrait du journal

Le changement de régime était chose accomplie. Catherine II était proclamée par les troupes, acclamée par le peuple, sacrée par le clergé, et son époux, resté à Peterhof, à quelques lieues de là, ne savait pas encore qu'il avait perdu la couronne. En vain expédiait-il des pourriers dans la capitale pour lui rapporter des nouvelles; les uns étaient arrêtés en chemin, les autres ne revenaient pas. Enfin, vers trois heures de l'après-midi, arriva le message du perruquier Bressan: Catherine, annonçait ce billet, était dans l'église de Kasan, en train de 'se faire reconnaître pour impératrice de Russie. La terreur de Pierre III fut alors à son comble. ,11 courait à grands pas dans toutes les parties du château, implorant des conseils, dictant des .ordres, qu'il révoquait l'instant d'après, commandant qu'on aille tuer sa femme, pleurant et criant tour à tour. Il j~i rest-ait sa garde d'Holsteinois, quinze c~nts hommes fort déterminés, à la tête desquels se trouvait le feld-maréchal Munich, l'un des meilleurs hommes de .guerre de ce temps. Peut-être, avec 'ce noyau vigoureux, eut-il pu résister non sans quelque chance de succès, rallier autour de soi les régiments des garnisons voisines. Munich l'y exhortait et se chargeait de diriger la lutte. Mais il avait affaire à un homme affolé et hors d'état de rien résoudre. Parmi ce désarroi, rapporte le chargé d'affaires de France, le Tzar se faisait servir à dîner dans une allée qui donnait sur la mer et se livrait à la boisson, selon son ordinaire...