Extrait du journal

Bien qu'il ne fût pas académicien et qu'il vécût en solitaire, vêtu d'une robe de bure et coiffé d'une toque do moine, dans 9on appartement haut perché de larue des Saints-Pères, Rémy de Gourmont recevait beaucoup de lettres où on lui posait des questions de ce genre. Il répondait avec patience et même encourageait ses correspondantes en leur confiant que « lire est une habitude presque inoffensive, si l'on sait bien choisir et associer les tons ». Il leur conseillait d'emporter aux eaux les pages maladives de Maeterlinck, afin que « des rêves métaphysiques et chastes s'évoquent seuls sous les charmilles thermales ». C'est au bord de la mer qu'il voulait qu'on lût les livres de Pierre Louys, « car il y a des coins de sable, disait-il, entre les ajoncs et les chardons de mer, où 'l'embrun tempère et trempe de miel salé les flèches du dieu cythéréen ». « Si vous montez très haut dans la montagne, écrivait-il à une belle lectrice, jusqu'aux crans où le cœur halète, vous trouverez dans la solennité d'Henri de Régnier un repos de l'orgueil trop aigu des cimes, mais sans discordance, nt du glacier rose et bleu aux songes dorés ou' opalins du poète, le voyage de l'œil' sera facile 'et harmonieux ». Il supposait que la pure campagne 'exige l'alternance de Jules Renard et de VieléOriîfm, « afin que ce qu'il y a de trop spirituel dans les arbres et dans les. bêtes s'efface parfois, au moins le soir, et que l'on sache que la nature est au fond très simple, très jeune et très belle »....