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Le Globe, 23 novembre 1843

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Le Globe
23 novembre 1843


Extrait du journal

PARIS, 22 NOVEMBRE. Les journaux plus ou moins démocrates parlent beaucoup des ouvriers et de leur misère ; c’est un sujet que nous aimons aussi, parce que les classes ouvrières forment la majorité de la population française, qu’elles sont la pépinière où se recrute notre belle < t brave armée, et que, du milieu d’elles, s’élèvent fréquemment de ces mâles courages qui saisissent de terreur, comme Murat, de ces talons qui saisissent d’admiration, comme Molière, de ces vertus qui saisissent de respect, comme Jeanne d’Arc. Mais quand nous parlons des classes ouvrières, c’est pour con seiller leur bon sens, et non pour enflammer leurs passions ; et nous voyons les classes ouvrières, non-seulement dans les boutiques, dans les ateliers et dans les manufactures, mais encore dans les campagnes, où elles se trouvent en immense majorité, et où les journaux de Paris ont l’air de ne point soupçonner qu’elles exis tent. Cela est malheureusement trop vrai. Beaucoup d'ouvriers, beau coup de bons et de dignes ouvriers souffrent : mais c’est dans les villes seulement, et pour des causes qu’il n’est pas facile de détrui re. Depuis que la révolution française a imprudemment renversé les maîtrises et les jurandes, qui étaient la charte des classes ouvrières, au lieu d’en modiiier les dispositions, qui étaient devenues vicieu ses, tous les états se sont encombrés et engorgés. La concurrence y est devenue ruineuse pour tous, par suite du désordre qu’elle a in troduit dans les carrières professionnelles ; les ouvriers ire sont donc plus garantis par rien, ni parleur savoir ni par leur expérience. Les médecins sont protégés par leur diplôme, les avocats par leur licen ce et par leur stage ; le grand chemin des métiers est ouvert à tous venans, sans garantie d’aucune sorte. La première mazette du mon de se présente, se pose, se fait valoir, et, comme elle n’a fait aucun sacrifice pour acquérir du savoir, elle peut donner la besogne à mciller compte que l’ouvrier consommé. De là, confusion dans les métiers, dispute exagérée de l’ouvrage, baisse des prix exorbitante, mauvaise confection des produits, perte pour l’acheteur et ruine pour l’ouvrier. Jusqu’ici, nous ne parlons que du bon ouvrier, sachant travailler et sachant vivre, et menant de front la capacité et la moralité. Que sera-ce si nous parlons du mauvais , qui est tiède après l’ouvrage et bouillant après la dissipation? qui ajoute des jours chômés au dimanche ; qui dépense en un jour ce qu’il gagne en huit ; qui a le goût du luxe, du spectacle , de la table ; qui se jette dans le concu binage, et se met sur les bras le poids d’un ménage illégitime , passager et par conséquent dissipateur? A coup sûr, cet ou vrier souffre encore plus que celui de tout à l'heure, parce qu’il joint des causes particulières de misère aux causes générales qui pèsent sur tous. Mais comment forcer un homme, qui est maitre de ses actions, à se conduire sagement, quand il veut se conduire fol lement ; et par quel moyen réparer le désordre que la liberté illi mitée du travail, introduite par la révolution, a jeté dans les carriè res professionnelles ? Donc, cela est vrai ; les ouvriers jdes villes, des grandes villes, souffrent souvent, malgré les énormes salaires qu’ils gagnent ; et le gouvernement, comme tous les hommes sensés, doivent se préoc cuper de ces souffrances. Mais exagérer le mal, n’est pas le guérir; et c’est l’exagérer, nous supposons avec de bonnes intentions, quand on vient, comme le fait un journal, affirmer qu’a près avoir visité toute la France en philosophe, de Dunkerque à Bayonne, de Cher bourg à Antibes, de Strasbourg à Brest, on a trouvé les paysans dans un dènùment absolu et presque général. C’est là, nous n’hé-...

À propos

Le Globe était un quotidien guizotiste dirigé par Adolphe Granier de Cassagnac, partisan d’une monarchie tempérée par une Constitution et deux chambres. Journal politique défenseur de la Monarchie de Juillet et du suffrage censitaire, il fut publié de 1837 jusqu’à 1845. Cette tribune politique orléaniste sombra peu avant la chute de Guizot, trois ans avant la Révolution de 1848 et la fin de la Monarchie en France.

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