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Le Globe, 6 novembre 1841

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Le Globe
6 novembre 1841


Extrait du journal

Le ministère vient d’ordonner le licenciement des marins qui comptent quatre ans de service. Là dessus, le National public un article qu’on dirait fait exprès pour justifier ce que nous disions hier des jourrialistesrépXiblicains. Nous sommes fâchés de ne pou voir reproduire cet article dans son entier : nous croirions avoir fait, pour l’édification des lecteurs honnêtes, plus qu’avec toutes les discussions et tous les argumens. Il est impossible de se faire une idée d’une pareille boursoufflure, d’un pareil pathos, d’un pareil roulement de style, et de tonte Cffito déclamation à froid que l'é crivain patriote a délayée dans uae longue et mortelle colonne. Jamais, dans le temps où l’on proclamait la patrie en danger, on n’a poussé dans la presse un pareil cri d’alarme. Le NatiomLüèclarc que la France est trahie, Catilina est aux fortes ; il n’y a plus à délibérer; le gouvernement vient de nous livrer, pieds et poings liés, à l’Europe coalisée. Comme on pourrait croire que c’est là un tableau fait à plaisir, et que nous exagérons, voici un passage de l’article dont nous parlons : « Le désarmement est ordonné); il est « commencé. Cette belle flotte, notre seule gloire après l’Afrique « depuis dix ans, et qui durant trois années lit trembler l'Augte« terre, est dissoute, mutilée. Qui proteste? quelques voix isolées, « et c’est à peine si elles éveillent dans une masse inerte un faible écho « bientôt silencieux. • Mien ne répond plus dans cette France si sus« ceptible jadis, parmi ce peuple qui a bien pu porter quelquefois « la tyrannie cachée sous la gloire-, qui jamais n’a su porter le « déshonneur.» Voilà donc la France tombée dans l’avilissement. Nous ne som mes plus qu"une masse inerte, que le National essaie en vain de re muer par sa grande voix. Hélas! l'écho seul répondu sa voix, et un écho bientôt silencieux. Le National éperdu ne voit plus que la nuit, n’entend plus que le silence/ N’importe! le National pro teste toujours contre le monde entier, et dans son indignation, il fulmine en ces termes son réquisitoire contre ses lâches amis : « Comme nous voilà faibles maintenant, et énervés et lâchement «< résignés ! Le ministère est coupable, sans doute ; mais nous! « ne sommes-nous pas les premiers, les plus grands coupables? « Et que seraient-ils donc, ces grands hommes qui nous condui« sent, si nous n’étions pas si petits?» C’est, comme on voit, presque mot à mot, la phrase de Pru d’homme, les grands ne sont grands que parce que nous sommes à ge noux, levons-nous ! et il faut que le National soit moins en colère i qu’il en a l’air, puisque, pour s’indigner plus à l’aise, il s’en va copier le frontispice des Révolutions de Paris. Du reste, nous devons au National de grands remerciemens. On demandait à un philosophe, quel était l'homme le plus heu reux. Il répondit: C’est celui qui a éprouvé tous les maux, parce qu’il n’en redoute plus aucun. Eh bien 1 le National nous apprend que la France est, à ce compte, le plus heureux pays du monde. D’abord, le jour où fut signé le traité du là juillet, la France a été une troisième fois envahie par l’Europe ; et si personne ne s’est douté de cette grande humiliation nationale, c’est, sans dou te, que cette masse inerte était plongée dans sa lâche apathie:car le National qui ne dort pas, et qui ne quitte pas la brèche, nous l’apprend en ccs termes : « Ce eut un second 1315. » Après quoi il ajoute: « Est-ce assez maintenant? 1! faut le croire: car que « pouvait-on encore exiger de nous? Qu’avons-nous en fait d’Iion« neur, en fait de puissance, que nous n’ayons pas livré ? Notre « vieille influence? Nous l’avons laissée aller. Notre renom? « Nous l’avons détruit. Notre armée ?Nous n’avons pas 200,000 « hommes à mettre en ligne; [notre flotte, enfin, disloquée, dis— « perséc, détruite, ce n’ost plus qu’un vain simulacre, unsouvenirà « demi effacé. C'est trop, c’est trop ! et la Franco trouvera peut« être, enfin, que c'est trop. » Certes, nous l’espérons bien aussi, que la France trouvera que c’est trop, et nous ne doutons pas, qu'à l’occasion, el!e ne le prouve au National, comme cela lui est arrivé quelquefois de puis dix ans. Tout ce qui précède, du reste, le second 1815, la destruction de notre armée, la (lisj)ersion de notre flotte, tout cela n’est rien, comparé an nouveau malheur dont nous menace 1 e National, si la France continue par ses lâchetés à être la complice du gouverne ment. Qu’on lise et qu’on tremble ! C’est comme une espèce do testament politique : « Si donc, bien avertie, la France regarde « passivement tous ces crimes qui se commettent contre son hon« neur et contre sa puissance, si elle se laisse volontiers charger « de toutes ces hontes qui se succèdent sans interruption, il fau te (Ira bien aussi qu’ils se résignent et qu’ils brisent une plume dé fi sonnais inutile, ceux qui conservent pur et actif au fond de leur * cœur le vif esprit de la nationalité. » Oh! pour le coup, il n’y a plus à plaisanter! Le National ne parle de rien moins que de se tuer ; la chose mérite considéra tion. Pour notre compte, nous fêtons tout au monde pour éviter une pareille catastrophe. Nous allons rédiger une pétition contre le ministère ;ilfautque la France sorte de son apathie. Nqus es pérons que notre voix éveillera dans cette masse inerte un écho qui ne sera pas, comme celui du National, v.n écho silencieux. U ne faut donc pas que le National brise sa plume; c’est impossible. Et puisque, faute de mieux, il a conservé l’esprit de nationalité pur et actif au fond de son cœur, nous sommes fort intéressés à oppo ser cette activité du cœur à notre masse inerte, et à couvrir la houle de notre pays parla pureté virginale du National....

À propos

Le Globe était un quotidien guizotiste dirigé par Adolphe Granier de Cassagnac, partisan d’une monarchie tempérée par une Constitution et deux chambres. Journal politique défenseur de la Monarchie de Juillet et du suffrage censitaire, il fut publié de 1837 jusqu’à 1845. Cette tribune politique orléaniste sombra peu avant la chute de Guizot, trois ans avant la Révolution de 1848 et la fin de la Monarchie en France.

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