Extrait du journal

Toutes les heures de la révolution ne sont point tristes ou tragiques il en est de gaies. Les plus grognons ou les plus rire. Une panique a toujours son côté comique. Il s'agit de regarder de ce côtélà. Le jour où le bruit courut qu'on allait massacrer les juifs, apparemment il n'y avait pas de quoi s'amuser, surtout pour les juifs, et cependant il suffisait d'entrer dans une boutique d'armurier pour éclater de rire. C'était un pillage. Quand il n'y'eut plus de revolvers, on acheta des carabines. Sabres et poignards, cannes plombées, cannes en fer, couteaux finlandais,- tout était bon. pour famateur. J'ai vu enlever un vieux tromblon qui devait dater de la guerre du Mexique un souvenir de famille qui avait voyagé. 'Aux juifs. avaient succédé bientôt les infiellectuels, que l'on devait massacrer par-dessus le marché. Ils prirent ce qui restait. Tous les hommes de lettres avaient lâché la plume pour le revolver. A la Rôuss, on eût pu former les faisceaux dans la salle de rédaction, avec les carabines dont on avait entouré, ce jour-là, la liberté de la' presse. Le soir venu, la panique avait comble-les hôtels. On y dormait, d'un œil, jusque dans les greniers. On n'y couchait point dans les caves, car à Pétersbourg il n'y a point de caves. Quelques honnêtes citoyen veillèrent. Autour des samovars, chacun se montrait le petit joujou dont il avait Jait l'acquisition. « J'ai un Broweig à dix coups. Et moi, un Mauser. Regardez, l'étui me sert de crosse et je peux épauler.- Oh le mien me suffit. Pesez les baUes. Elles traversent cinq hommes, a l'essai! »...