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Le Matin, 2 mars 1887

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Le Matin
2 mars 1887


Extrait du journal

Je ne dis pas que la guerre soit à nos portes. Au contraire; comme elle blesse tous les mçérêts, sans exception, comme aucun des deux gouvernements ne la veut, et comme les deux peuples en ont horreur, je suis persuadé qu'elle «st presque impossible. Elle est possible pourtant f Nous ressemblons à des gens qui seraient condamnés à passer leur vie dans une poudrière. Ils sont bien résolus à éviter d'y mettrç le feu, puisqu'il y va de leur vie. Il suffit d'une étincelle, d'un caillou, d'un rien. La guerre t Je ne dirai pas qu'elle peut être un effet sans cause mais elle a quelquefois des causes bien disproportionnées! Un coup d'éventail, une audience frel'usée, une phrase mal faite, une nouvelle fausse qui circule et qui met deux nations aux prises avant qu'on ait eu le temps de la démentir. Et voilà le monde en deuil. Emile de Girardin ne m'a jamais donné qu'un rendez-vous. C'était pour un duel, où nous étions témoins tous les deux. Je n'ai jamais été témoin que d'un duel. Nous parlions, nos con• venlions faites, de la guerre il y a toujours une guerre à l'horizon. J'y croyais je suis pessiv miste. Il se moqua de moi. Il n'y a pas au monde, disait-il, un homme assez fou pour tirer le premier coup. de fusil quelque part. » Huit jours après, huit jours très exactement, nos trcupes partaient pour la Crimée. Nous nous mimes aussitôt, puisqu'il le fallait, à chanter la gloire de la France, qui est incomparable, et la valeur de nos soldats, qui sont invincibles â démontrer combien il était nécessaire de détruire Sébastopol en compagnie de l'armée anglaise, et de donner au besoin sa vie pour cette cause. Ces pauvres enfants de vingt ans, arrachés à leur famille et à leur travail, réussirent à se persuader qu'il n'y a rien de plus beau que de laisser ses os sur un champ do bataille, ou de revenir dans son pays avec des béquilles et le droit de réclamer une pension de 75 francs. Oui, mes enfants, soyez des héros; c'est dans votre tradition et clans votre sang; d'ailleurs il ne s'agit plus de problême politique; si vous vous battez cette fois-ci, ce sera dans la patrie et pour la patrie. Mais nous, tâchons d'être des créatures raisonnables, d'avoir des larmes pour tant de douleurs, sunt lacrymœ rerwn, et d'employer la ,force humaine et les ressources de la science à autre chose qu'à des tueries. Disons tous avec se grand roi « Je serai contre l'agresseur. » Mettons sur lui, quel qu'il soit, la malédiction .les mères et des épouses; la malédiction de l'humanité, celle de Dieu. Pourquoi se battrait-on? Est-ce iour une foi? Est-ce pour la liberté? Est-ce pouf l'indépendance nationale ? Qui tout ce sang et toutes ces larmes pour une ambition et une convoitise Si le traité do Francfort vous déplaît, assemblez vos diplomates. Prenez, si vous voulez, un arbitre. Faites appel,à,la raison. La guerre n'est qu'un jeu de hasard. Ne' jouez pas à pile ou face la justice, l'honneur-, lapatrie 1...

À propos

Lancé en 1883 sur le modèle du quotidien britannique le Morning News, Le Matin se revendiquait être un journal novateur, « à l’américaine ». Son directeur Alfred Edwards entendait donner « priorité à la nouvelle sur l’éditorial, à l’écho sur la chronique, au reportage sur le commentaire ».

 
 
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