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Le Matin, 3 janvier 1901

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Le Matin
3 janvier 1901


Extrait du journal

La paix, cependant, n'a pas été rompue en Europe, si l'on peut appeler paix l'espèce de trêve de trente ans que nous venons de traverser. On ne s'est presque pas battu, jusqu'ici, depuis 1870, entre la Méditerranée et la mer Glaciale, entre l'Oural et l'Atlantique mais on ne se borne pas à rester armé jusqu'aux dents chaque jour, on ajoute une arme nouvelle à celles dont on est hérissé, les milliards sont engloutis après les milliards, les charges d'une sorte de guerre latente et perpétuelle dévorent une part effrayante des ressourcesde l'activité normale des peuples.Ce qu'on appelle la paix n'est plus que, la préparation ininterrompue d'on né sait quel conflit monstrueux qui aura, à l'heure où il éclatera,' une force de destruction dont la pensée fait frémir. En attendant, les puissances militaires se font la main sur tout le reste de la planète. Si ellesne s'entre-dévorentpas, c'est d'abord qu'elles ont peur l'une de l'autre, et que l'issue des combats serait incertaine; c'est ensuite qu'elles doivent compter avec l'esprit public. Mais elles pratiquent de plus en plus largement l'art de conquérir, de piller, de massacrer, dans tout le reste du globe, les peuples barbares et de civilisation surannée, hors d'état de se défendre On voit reparaître les moeurs des anciennes invasions barbares, mais, cette fois, pratiquées par des civilisés. Qu'il puisse sortir de tout cela quelque chose qui ressemble à de la gloire militaire, dans le sens où on entendait ce mot au début du siècle, cela paraît douteux. Quoi qu'il en soit, cela s'appelle la, politique «mondiale ».Le César mégalomane de Berlin, l'honnête Chamberlain, et, de l'autre côté de l'Océan, les domestiques politiques des gros milliardaires américains semblent devenus les grands hommes de c^tte politique. Et M. Cochin nous invite à suivre leur exemple. comme si nous ne le suivions pas sâns lui. Au temps- où les souverains étaient tout-puissants, les peuplés se permettaient de considérer tout bas comme des fous dangereux ceux qu'entraînaient des rêves de conquête universelle. Aujourd'hui où les peuples ont leur part de gouvernement, les fous de même sorte foisonnent chez les particuliers. Depuis les reporters jusqu'aux boutiquiers, toutest atteint de la manie de Picrochole et entend conquérir le monde. Les dernières années du dix-neuvième siècle ont été marquées par des-attaques aiguës de chauvinisme, jingoïsme, impérialisme. appelez cette maladie comme vous voudrez. Et vous imaginez-vous, bonnes gens, que cette maladie limitera ses effets aux conquêtes coloniales ? Guérira-t-on chez certaines nations le parti pris d'en appeler à la force ? Les puissances en proie à la politique mondiale ne sont-elles pas condamnées à s'entr'arracher un jour ou l'autre leur part de butin ? Les violences déchaînées sur toute la planète peuvent-elles ne pas entraîner par contre-coup des violences analogues en Europe ? Le César mégalomane de Berlin parle déjà de rétablir quelque chose comme l'empire romain, et l'Angleterre, avec ses lamentables aventures africaines, n'attend que le moment de tomber sur nous....

À propos

Lancé en 1883 sur le modèle du quotidien britannique le Morning News, Le Matin se revendiquait être un journal novateur, « à l’américaine ». Son directeur Alfred Edwards entendait donner « priorité à la nouvelle sur l’éditorial, à l’écho sur la chronique, au reportage sur le commentaire ».

 
 
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