Extrait du journal

baiser qui s’y posa dans une heure de folie, sans qu’elle retire ses doigts fuselés, un baiser lascif et langoureux, un baiser qui, à la fois implore et conseille les suprêmes ivresses, et je n’en ai plus voulu de la blanche menotte, comme une belle et douce fleur qu’aurait flétri la bave immonde d’un mollusque. Une autre fois encore, j’ai cru toucher aux portes de cette idéale espérance et j’ai désiré la très blanche, tant rêvée dans une enfant de seize ans, blonde, qui me souriait avec ses jeunes lèvres ravies et fraîches ; pendant deux jours delà a été l’enfin tant attendu et j’ai touché du crâne, heurté à m’y briser la tête, le summum des extatiques joies, puis un soir, dans la splendeur d’un couchant, comme je la regardais, couché à ses pieds, sans parler, parce qu’aucune parole n’aurait pu rendre le tumulte fou de mes sensations, j’ai vu encore, toujours, sur sa joue, apparaître tout à coup, grandir et se fixer sur le satin vivant de sa peau, la meurtrissure livide, implacable pour mes yeux trop subtils, laissée là par les lèvres hardies d’un petit cousin entreprenant, alors qu’elle n’était pas même une jeune fille et que ses sens n’avaient été émus que par les préférences naïves de l’enfant. Puis d’autres encore m’ont déçu, blanches statues subitement dressées dans mon âme dont le piédestal s’écroulait tout à coup rongées par le stigmate honni et fatal du baiser corrupteur....