Extrait du journal

LETTRES DE MON JARDIN. Il n’est point de campagnards qui, au moins une fois dans leur vie, n’aient goûté la distraction un peu mélancolique, de regarder tomber les feuilles. En dehors des méditations philosophiques qu'on en peut tirer, le passe-temps vaut bien, à tout prendre, celui de cracher dans un puits pour y faire des ronds. Par les radieuses illuminations de la dernière semaine que nous accep tions comme un regain de l’été , quelques-unes de ces feuilles. les souffreteuses, les éprouvées et aussi celles qui, au printemps, se sont trop hâtées de jouir de la résurrection, avaient commencé à se détacher du rameau. Glissant lentement, molle ment, à travers les branches, avec un petit bruit qui ressemblait à un soupir, elles descendaient en tour noyant et venaient ajouter une tache aux taches déjà nombreuses qui jon chaient la pelouse. Au souille de tempête qui secoue les arbres, ce détilé lent, méthodique, presque so lennel, s’est métamorphosé en une déroute; c’est quelque chose comme l’ellondrement instantané et tumul tueux de la parure qui, depuis six mois, charmait nos regards. Feuilles aux tons chauds du cuir de Cordoue, feuilles lavées de pourpre ou de car min, couleur d’or, feuilles qui avaient conservé intacte leur verdure prin tanière, tout cela traverse l’espace comme un tourbillon, balayé, épar pillé par le vent qui fait rage. Dans les villes, le vent n’est qu’un bruit dans le tumulte; sur les grèves de l’Océan, il est dominé par l’as sourdissant fracas des vagues ; dans...