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Le Petit Journal, 26 mai 1918

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Le Petit Journal
26 mai 1918


Extrait du journal

{De Venvoyé' spécial du Petit Journal) Qhplet, 25 Mai. — Au marché de Beau préau, où j'étais ce matin, le bétail se ven dait très cher. Les animaux valaient cha cun envirpn 100 fr. de plus que le vendredi 10 mai, jour du précédent marché. Hier, à la foire de Bressuire, j'avais fait la même constatation, et nous sommes dans un cen tre de production énorme, inépuisable, de Niort. ' ; Ici donc, comme à Paris, le problème se pose : d'où vient la hausse? Comme à Paris, 11 est presque impossible de résoudre nette ment le problème. Et quoique français, ce problème est presque un casse-tête chinois. Jugez*en : « La hausse, c'est Paris qui en est la cause », dit la campagne, et Paris de ré pondre : « La hausse, c'est la campagne qui la détermine. » Ainsi font les joueurs de tennis avec les balles ; ils se la ren voient ; et le plus fort c'est que les deux thèses sont parfaitement soutenables, ar guments à l'appui. Ecoutez la campagne qui parle par la voix de son paysan : « Quand je vends un bœuf (il prononce bœu sans f) 1.500 francs, une supposition, et que je le vois revendre 1.800 francs à 'la Villette, pourquoi que j' raugmenterais pas mes prix ? L'acheteur gagne trop sur moi, je peux ben gagner un peu plus sur lui. C'est-y juste ou non ? » Et voici la réponse du boucher parisien : « Nos bénéfices ne sont qu'une apparence et voici qui le prouve : j'achète dix bœufs par exemple pour 15.000 francs ; comme il n'y a pas de wagons et que ma demande est la quarantième environ, je suis obligé de mettre mes bœufs à l'hôtel. Ils y vont dépérir, car il faut qu'ils s'y acclimatent et qu'ils se familiarisent avec leurs voisins d'écurie pour commencer à manger. L'écu rie, c'est environ 5 francs par jour et par tète, soit une dépense quotidienne de 50 fr. Mettons qu'ils y restent une vingtaine de jours — c'est une moyenne — cela fera 1.000 francs de frais. » Si ce n'était que ça ! En hôtel, l'animal dépérit, perd de son poids. Vingt jours, c'est de 50 à 100 kilos de viande en moins par tête. Vous voyez, au total, le déficit énorme qui s'additionne et qu'il nous faut à tout prix rattraper sur notre revente au marché de la Villette. Ajoutez à cela les frais de transport et les accidents qui ar rivent souvent en route, et vous verrez en fin de compte que les millions qu'on nous attribue sont singulièrement réduits. » Prix de réquisition et prix du commerce libre Des hommes du métier m'ont dit égale ment : . « Le prix de la réquisition est bien trop au-dessous du pris du commerce libre et ne suffit plus à rembourser les dépenses de l'éleveur. » A cela j'oppose des faits contraires. L'été et l'automne derniers, dans certaines par ties du Bocage vendéen, dans les DeuxSèvres et le Maine-et-Loire, et principale ment le long de la vallée de la Sèvre nan taise, dans les villages de . Mortagne, Evrune,. Longeron, Saint - Christophe, La Romagne, etc., l'Intendance payait les bes tiaux plus:cherque les acheteurs civils, à qualité égale bien entendu. Et les paysans réservaient leurs bêtes à l'armée. Le maire d'une commune où j'ai passé, gros agriculteur et éleveur, m'a confié : « Une mauvaise mesure a été l'interdic tion de sortir du -bétail de certains dépar tements : voilà la cause de la hausse ! » Je -ai ai fait remarquer que la hausse avait commencé avant i que la mesure en question ne fût prise et qu'en tout cas M. Boret n'avait recouru à cette extrémité que contraint et forcé par la résistance de cer tains éleveurs têtus qui ne répondaient plus aux demandes de la réquisition. On m'a cité certain? cas où l'armée de mandait quatre-vingts têtes et où il n'en était' amené que trois ou quatre. La déci sion ministérielle a remis de l'ordre dans ce gâchis et c'est très bien. Abolir cette décision, à quoi bon ? Elle ne gêne pas la vente du bétail au commerce libre. En effet, ceux qui, dans les départements en question, ont satisfait aux demandes de l'Intendance, sont autorisés par le prési dent de la commission de réquisition dont ils dépendent à vendre leurs bestiaux au dehors. Il y a eu inévitablement des abus, certains maires ignorants ont cru pouvoir délivrer à leurs administrés des certificats erronés constatant qu'ils avaient fourni à l'armée le bétail qu'elle leur avait demandé., alors que c'était faux. Mais la supercherie était régulièrement découverte....

À propos

Fondé en 1863 par Moïse Polydore Millaud, Le Petit Journal était un quotidien parisien républicain et conservateur parmi les plus populaires sous la troisième République. Le journal jouit vite d’un succès commercial sans précédent, renforcé par la publication de divers suppléments, parmi lesquels son célèbre « supplément du dimanche » ou encore Le Petit Journal illustré. La publication s’achève à l’orée de l’année 1944.

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