Extrait du journal

LES 6L0RIECX BOLIDES Saluons. Un automobiliste est venu de Paris à Nice en onze heures et demie. Parti le matin de la capitale, il arrivait sur la Côte d’Azur, trépidant et empoussiéré.vers la fin de l’aprèsmidi. C’est admirable. Et les gens de s'exta sier. Et les journaux de célébrer cet exploit, qui bat les records des autres bolides lancés sur les paisibles routes de France. Pensez donc, cet a as » a fait une moyenne d’au moins 83 kilomètres pendant plus de l.Ouu kilomètres ! C’est dire qu’il a marché, le plus souvent, à plus de 100 à l’heure. Quelle machine 1 (Ici une bonne réclame pour ia firme. ) Quel conducteur ! (Nouvelle réclama pour le chauffard.) On a soin de nous faire savoir que ce « monsieur » est arrivé « frais et dispos », ce qui nous comble d’aise, et qu’à peine débarqué, il est allé siroter un apéritif, ce qui est d’un bon Français. On a même eu l’obligeance de nous dire que ce tron-de-l’air, dans sa foudroyante randonnée, n’avait écrasé que... deux poules. Quelle misère 1 Deux pou les seulement, pas même un petit enfant, pas même un chien. En voilà un gâte-métier ! De l'opinion des passants, des citadins et des villageois qui furent bousculés et menacés par l'aimable tueur de poules, pas un mot, natu rellement. Est-ec que cela compte, le public ? Moins qu’une poule, assurément. Réjouissons, nous donc et soyons fiers d’être Français, car ils n’en ont pas, en Angleterre, de ces galopeurs effroyables... Pour une bonne raison, d’ailleurs, c’est que chez nos voisins il y a une police et des juges. Un « as » de l’espèce de notre automobiliste eût été proprement cueilli et traîné devant un tribunal, car les règle ments, chez eux, ne sont pas des chiffons de papier. Je le sais, par expérience, et là-bas, le policeman est sans pitié. Il en va autrement, chez nous. La France est un pays de cocagne. Chacun fait ce qui lui plaît, se moque des lois, des arrêtés, des gendarmes et des magistrats, pourvu qu’il ait un peu d’entregent et d’effron terie. L'appareil de la justice est réservé aux petites gens, aux braves gens, aux citoyens inoffensifs; les autres, les as, les audacieux, ceux qui parlent fort, font une pirouette, un pied de nez, tirent la langue et s'esclaffent de la naïveté des premiers. Avez-vous entendu dire qu’on allait pour suivre le citoyen qui vola 1.500 automobiles aux stocks américains T Croyez-vous qu’on ar rêtera le brave homme qui revendit 1.800 fr. des baignoires américaines achetées 100 francs la veille ? Interrogera-t-on seulement les bou chers qui ont continué, malgré la baisse des marchés, à vendre leur viande au prix extra fort ? Non, non, les rigueurs des lois ne sont pas faites pour les « as ». On les respecte, si on ne les décore pas. C'est pourquoi le chauf fard Paris-Nice peut dormir sur ses deux oreil les. Personne ne l'ennuiera pour ce bel ex ploit. Il n’a tué que deux poules 1 De quoi se plaindrait-on, je vous le demande ? Ah ! s’il avait usé d'une trompe défendue, fait un peu .de fumée, ou négligé d’allumer une lanterne, on lui ferait voir qu’il y a, en France, des lois tutélaires pour discipliner la circulation. Mais courir comme" un fou, semer la terreur sur son passage, marcher plus vite qu’un rapide, cela n’a aucune importance. Et allez donc I Domlnique Durandy. On recueille un Ba'lon sans Passagers New-York, 10 avril. — Un bateau pêcheur a recueilli, hier, le ballon naval qui était parti de Pensacola (Floride), le 22 mars dernier, avec cinq passagers à bord, dont ou n’a trouvé aucune trace....