Extrait du journal

L’Aiïaire deL’Isle-sur-Sof gue Pardonnez-moi, si je reviens, à huit jours de distance, sur un môme sujet ; mais ce n’est pas ma faute. C’est l’Islesur-Sorgue qui le veut, qui l’exige; il paraît que je lui ai pris l’honneur ; il faut que je le lui rende. i Vous vous rappelez, peut-être, les réflexions que m’avait inspirées un petit fait qui s’était passé à l’Isle-sùr-Sorgue. L’évêque de Montauban, qui était venu sur invitation expresse , en rempla cement de son collègue, empêché, pour confirmer les enfants de la ville, s’était rendu, une fois la cérémonie terminée, chez le curé de la paroisse, qui l’atten"dait à déjeuner. Il s’y était rendu à pied, suivi des prêtres et des enfants de chœur qui lui avaient fait cortège. Le soir môme, il avait reçu , non sans quelque étonnement, un procès-verbal qui lui avait été signifié par le commis saire de police. C’est que le maire de i”Isle-sur-Sorgue avait, quelque temps auparavant, pris un arrêté pour inter dire les processions. L’évêque s’était rendu processionnellement chez le curé ; il avait donc contrevenu à l’arrêté du maire; de là, le procès-verbal. Je m’étais permis, si vous vous en souvenez, de trouver le zèle du com missaire quelque peu excessif en la Circonstance. J’avais essayé de montrer, avec la modération et la bonhomie de langage dont je me suis fait une loi, surtout dans les débats où la religion est intéressée, qu’il y a procession et procession; qu’il n’est peut-être pas bien juste, mais qu’il n’est pas à coup sur bien spirituel d’assimiler à une grocession la conduite que font à un aut dignitaire qui s’en va déjeuner en cérémonie chez une des autorités de la ville, ceux qui l’accompagnent pour lui faire hommage. Je ne croyais pas queces observations, toutes de sens commun, pussent exciter la moindre émotion dans les esprits. Aussi bien n’est-ce pas précisément sur le fait en lui-même que j’ai vu tout à coup, à ma grande surprise, se dresser contre moi une levée de boucliers. Imaginez que, depuis huit jours, il ne se passe pas un courrier, sans que j’y trouve des lettres qui portent le timbre de L’Isie-sur-SorguB ou des environs. Je les ouvre : ce sont des réclamations, objurgations, récriminations; on dirait vraiment que l’Isle-sur-Sorgue est en révolution. Et savez-vous pourquoi ? C’est tout simplement, tout bonne ment, parce que j’avais dit, parlant de l’Isle-sur-Sorgue, d’où m’était venue l’histoire contée par moi dans le Petit Marseillais, que c’était un gros bourg, à moins que ce ne fût un village... Je déclare que je n’y avais mis aucune malice. La vérité est que, sur le moment, le nom de l’Isle-sur-Sorgue ne m’avait rien rappelé du tout; j’étais à la campagne, loin de mes dictionnaires et de mes atlas, quand j’écrivis l’article; je mis un gros bourg, comme j’aurais mis une petite ville, sans y attacher d’autre importance; du diable si je me doutais que j’allais piquer au vif des susceptibilités qui m’ont l’air d’être bien tendres. Ah ! mes amis, quelle volée de bois vert ! J’en ai les épaules encore tout endolories. Heureusement, parmi les lettres que j’ai reçues, il s’en est trouvé deux ou trois fort spirituelles qui m’ont ragaillardi et amusé. « Vous souvenez-vous, m’écrit M. Eugène Franc, qui se dit propriétaire viticulteur, vous souvenez-vous de ce capitaine de pompiers dont Alphonse Daudet reçut un jour le cartel après son Tartarin de Tarascon ? « Depuis que j’ai lu votre article du Petit Marseillais mon amitié inquiète...