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Le Petit Marseillais, 28 juillet 1908

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Le Petit Marseillais
28 juillet 1908


Extrait du journal

Notre ministre à Stockholm, M. Henri Allize, eut grand’peine à détruire cet état d’esprit et à remonter le courant qui s’était formé en menaçant d’entraîner dans ses flots 1 l’influence française. Il y réussit à merveille, : et son action habilement conduite effaça l’im pression fâcheuse produite par une inexacte appréciation d’un toast. En assistant, hier soir, au banquet offert par le ministre de France, le président du conseil et le ministre des affaires étrangères de Suède ont voulu démontrer qu’ils avaient oublié jusqu’au sou venir de ce qu’ils appelaient « l’injure infa mante », et le peuple a fait comme eux en se livrant aux plus ardentes manifestations d’en thousiasme. L’expression n’est nullement trop forte. En parcourant les rues claires et fort bien aérées de cette admirable capitale, imposante par la splendeur de ses monuments, pittoresque par sa situation sur les bords d’un véritable ré seau de vastes et profonds canaux naturels, on est étonné de voir tant de drapeaux aux fenêtres et tant de fleurs disposées sur les bal cons et les terrasses de manière à rassembler les trois couleurs françaises. La joie popu laire est aussi sincère qu’à Copenhague, mais elle est plus visiblement déployée. En dehors même de la ville, dans la longue suite de ca naux qui conduisent à la grande mer, tout le long de cette côte élégante, tourmentée, bor dée de fjords et d'îlots très boisés, des dra peaux tricolores apparaissent et, très loin de la capitale,dans la gracieuse baie où la Vérité et les autres navires français sont ancrés à côté des croiseurs suédois, des quantités de petits bateaux légers sillonnent les eaux et arborent le drapeau français. Je ne vous referai pas le récit de la" revue navale et de la visite du roi à bord de la Vé rité et du Duquay-Trouin. Le télégraphe vous l’a déjà transmis ; mais ce qu’il n’a pu vous dire, c’est la beauté du spectacle auquel nous venons d’assister., L’horizon est de toutes parts limité par une fine bordure noire. C’est la côte toute hérissée i d’arbres, qui serpente et tend l’un vers l’autre ses longs bras de terre, de sorte qu’on a l’im pression de se trouver, non sur la mer, mais sur un grand lac fermé., Ces navires ont ce, pendant trouvé un chenal pour entrer. On observe attentivement et on découvre la fis sure à travers un fouillis de végétation puis sante, sous la forteresse d’Oscar-Fridriksborg, qui défend l’approche de Stockholm., Sur ce lac immense, admirablement éclairé par un soleil ardent,tous les navires de guerre français et danois sont ancrés côte à côte. Toute la flottille des bateaux de plaisance, grands yachts et petits cutters, promène ses riches pavois, et le grouillement des petites mouches d’escadre, des rapides canots à pé trole, des agiles et élégants voiliers aux gran des ailes blanches, donne à ce tableau, situé dans un décor si’ imposant, une vie intense i qu’accentuent l’éclat des salves, les sonneries résonnantes et les hourras poussés par les équipages. Le hourra suédois est, à ce sujet, à signaler., Le roi, en costume d’amiral, a pris place dans une chaloupe commandée par un officier qui reste debout à l’avant, face au souverain. Dès que le petit vapeur quitte le yacht royal, les marins suédois, rangés le long des bastin gages de tous les navires présents, se décou vrent et poussent un Rra guttural qui doit vouloir dire « hourra » ; puis, le bras tendu vers la droite, ils restent ainsi découverts jus qu’à ce que le roi ait terminé sa visite et soit - retourné à bord de son yacht., L’officier com mandant le canot royal reste également de bout sur l’avant, rigide comme une statue, même quand la chaloupe vide attend Gus tave V, qui toaste à bord de la Vérité, et le rôle de ce lieutenant de vaisseau, transformé en homme de bronze ou en immuable proue de navire, nous a paru manquer de charme., Quand le président de la République, qui avait dû passer de la Vérité sur le Cassini pour remonter le canal, entra, par cette voie liquide en plein cœur de Stockholm, il dut être émerveillé par la grandeur du spectacle. Le Cassini s’arrêta net devant le château royal, dont les lignes nettes et sobres se pro longent dans l’eau limpide. Devant le pavil lon de Logarden, un débarcadère pavoisé aux couleurs françaises et suédoises avait été préparé., Le roi, qui avait arboré sur son uniforme d’amiral suédois le grand-cordon de la Lé gion .d’honneur, y arriva le premier. Quand le président eut débarqué, il s’avança vers lui, garda longtemps sa main dans la sienne en lin geste très cordial ; puis, les compliments de bienvenue échangés, les deux chefs d’Etat et leur suite montèrent dans les carrosses de la cour, qui firent le tour du palais et y péné trèrent aux acclamations de la foule, car le public suédois avait joué un grand rôle dans cette réception. Il s’était massé en groupes compacts tout le long des quais ; il s’était étagé tout autour du château royal et, dès que les couleurs françaises apparurent dans le ca nal, un grand cri de : « Vive la France ! » fut d’abord poussé. Quand M. Fallières se mon tra, les cris redoublèrent. Ce fut chaud, très , chaud, presque aussi chaud qu’aurait été un accueil analogue dans notre Midi. Cinquante mille personnes criaient à la fois! Avec la patience qui caractérise les foules des pays septentrionaux, elles attendaient de puis de longues heures et elles avaient en core la force de pousser des hourras vibrants, de sorte que M. Fallières entendit acclamer son nom et la France jusqu’à ce que les murs épais du château royal l’eurent séparé de ce public enthousiaste. Si je vous fais le récit déjà publié de la ré ception de M. Fallières, c’est pour souligner l’exactitude des versions officielles qu’on pourrait croire entraînées à relater, par rai son d’Etat, de l’enthousiasme là où il n’y aurait que gêne et froideur. Aucune raison de ce genre ou d’un autre ne nous inspire. Nous disons simplement ce que nous avons vu, et nous çn concluons que la Suède, qui refuse de se jeter dans les bras de l’Allema...

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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Données de classification
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