Extrait du journal

Comme mon spirituel collaborateur Paul Bosq a raison l En ouvrant les journaux,et en y lisant, en grosses lettres : « Réunion de la com mission du budget. Tout est arrangé. Les ministres se sont entendus. La loi sera exécutée. Les fonds ont été accor dés ; les crédits nécessaires votés », un grand soupir de soulagement est sorti de nos poitrines, et sans la peur de nous faire remarquer désavantageusement, nous nous serions empressés de bénir la Providence, qui n'abandonne même pas ceux qui, pourtant, n'ont pas fait vœu d’être siens. « Il faut, en effet, pensions-nous, qu’une puissance suprême soit interve nue dans ce débat et nous ait prodigué ses biens ; car, enfin, nous n’avions pas d’argent., hier ; comment,tout d'un coup, allons-nous en avoir demain ? Tant de millions ne se trouvent pas sous le pas d'une mule, fût-ce celle du pape, à moins que cette mule ne soit enchantée, comme le fut la poule aux œufs d'or. Aussi est-ce avec une curiosité fébrile que nous avons lu le compte-rendu de ta discussion, désireux de savoir com ment la commission s’y était pris pour se procurer de l’argent, et pour donner à la fois satisfaction à ceux qui en ont besoin et à ceux qui ne veulent point en fournir. Ni emprunts, ni impôts. Il n’y avait pas d’erreur. Tout le monde, en effet, s’était admirablement, entendu, et l’on était parti en vacances après avoir décidé que l’on donnerait tous les mil lions réclamés. Quant à. la manière de les trouver, motvs. Il n’en était pas question. Cras séria. C'était affaire aux ministres, qui auraient à chercher des économies. Lesquelles ? J’ai passé bien des années dans les commissions de budget. Tous les ans, on comprimait. C’était la même pièce qui se jouait imperturba blement. Nous opérions des diminu tions sur toutes sortes de chapitres. Les ministres accouraient,, et, quelles que fussent leur nuances politiques, com mençaient par lever les bras au ciel, par crier que les années précédentes on avait •fait toutes les économies possibles, et qu’ils n'en pouvaient accepter aucune nouvelle, sans entraver le fonctionne ment des services. Ils finissaient par les accepter tout de même,pensant qu'ils en seraient quittes pour rétablir le tout sous forme de crédits supplémentaires. Et, en effet, par un tour magique des plus singuliers, il se trouvait que les budgets, comprimés chaque année au point qu’ils eussent dû être réduits à rien n'en étaient pourtant que plus gros. Ils ressemblaient à ces infortunés qui, pour maigrir, se privent des mets qu’ils préfèrent et qui engraissent démesuré ment. On voit que nous connaissons l’art de pratiquer des économies. On ne nous apprendra plus rien là-dessus. La commission du budget, après avoir déclaré qu’elle ferait, des économies, s’est éparpillée sur les rives fleuries, où elle pourra se reposer dans la sérénité du devoir accompli. Sa résolution est certainement aussi ferme que celle d’une dame, que j’ai rencontrée hier au casino, occupée à perdre vingt-cinq louis, et qui me disait : « Monsieur, cela ne peut pas durer. Mon mari et moi, nous sommes absolument dévidés à faire des écono mies cet hiver. » Le problème à résoudre pour ce ménage comme pour le gouvernement et la Chambre, c’est d’arriver à économi ser en conservant ses dépenses. La qua drature du cercle, la pierre philosophale n’étaient que jeux d’enfants à côté de cette recherche. C'est* à ce jeu de...