PRÉCÉDENT

Le Siècle, 22 décembre 1905

SUIVANT

URL invalide

Le Siècle
22 décembre 1905


Extrait du journal

sens esthétique très sûrs, des vitraux dont la colora tion profonde se rapproche bien plus des» admirables verrières du moyen âge que celles de 1850. Il n'y a donc là aucun secret de technique. Qu'un artiste, au lieu de verres unis, se" Serve de l'innombrable va riété des verres inégaux : verres cannelés, ondes, grumêlés, craquelés, damassés, crocodilés, etc., et il aura à sa disposition une gamme très riche de tons. Les peintres verriers modernes emploient même, depuis une vingtaine d'années, des verres qui étaient tout à fait inconnus des artistes médiévaux. Ce sont les verres « dichroïques », dits aussi « américains ». Suivant qu'en les voit par transparence ou par ré flexion, ils présentent une couleur ou bien sa com plémentaire. Par transparence, ils, peuvent offrir toute la série des tocs ; vus à la lumière frisante, ils ont une teinte laiteuse, opaline et nacrée; par là, ils sont, vis-à-vis des autres verres, d'admirables- repoussoirs, On les emploie beaucoup en Amérique. M, Félix Gaudin a réussi à les importer en France et s'en est servi avec beaucoup.de bonheur dans plusieurs grands vitraux qu'il a exécutés. Un mélange habile de verres unis, de verres antiques et. de verres dichroïques per met d'atteindre et de dépasser toute la richesse des combinaisons des vitraux moyenâgeux, Sans doute, l'effort patient, l'effort obstiné dans la recherche du beau fait plus défaut de nos jours. Mais vienne un grand- artiste : il trouvera dans les pro cédés actuels, dans la méthode renouvelée des tra ditions de Théophile, dans la variété infinie des ver res, toutes les ressources nécessaires à la réalisation de ses conceptions, tous les matériaux où les jeux de l'a lumière pourront inscrire les rêves les plus beaux, somptueux de transparence et d'éclat harmo nieux. Mais l'art du- vitrail, que des recherches conscien cieuses tendent précisément à faire renaître, ne sau rait cependant disparaître dans la disparition, même de l'Eglise. Ne peutil se transformer, se plier aux nécessités nouvelles, s'adapter à d'autres fins ? Sans doute, le vitrail religieux semble voué à une déca dence irrémédiable. Mais ne peut-il y avoir un avenir de prospérité pour le vitrail civil ? Son histoire, jus qu'ici est humble, son passé médiocre. Mais cela ne vient-il pas seulement d'une anomalie étrange, d'un hasard ca'pricieux ? Car rien n'est plus décoratif plus ornemental que l'alliance du vitrail et de la pierre, et, à une époque où l'architecture veut ouvrir de larges baies et prodiguer la lumière, à une époque où les arts décoratifs sont en pleine vogue, il semble que le vitrail devrait être très employé dans les mo numents civils. Or il n'en-est rien,, et les architectes q~uf cons truisent de vastes hôtels, des Bourses, des.chambres de commerce, des hôtels de ville font rarement appel • à-l'art des.peintres verriers. A vrai dire, une légère réaction commence à ;sé-produire. Les efforts patients de l'artiste sincère et rare qu'est Ml Félix Gaudin ont déjà' produit- d'hcureux' résultats. . Mais,- au mot ment où la crise actuelle menace de chasser hors de ■France la plupart des peintres sur verre, il serait né- . cessaire que cette réaction s'accentuât. L'Etat ne de- i vrait-il point prendre lès devants en faisant quelques commandes pour ses monuments? Favoriser l'essor de la. décoration translucide, revêtir les monuments ci vils de cette somptuosité lumineuse et chatoyante que donnent des vitraux artistement exécutés semble une entreprise belle et louable. Et s'imagine-t-on que des sujets religieux puissent seuls être exprimés con venablement par la peinture sur verre ? Ce n'est là qu'une grave erreur, résultant de l'habitude ne voir que des vitraux d'église. Mais l'histoire de France offre des pages nombreuses qui, transcrites sur le verre, seraient d'un bel ensemble décoratif. Et n'y a-t-il pas aussi les sujets allégoriques ? Les sujets descriptifs, paysages divers traités d'après les lois modernes de la décoration? . .-t—Il semble bien qu'il y ait là pour l'architecte une voie nouvelle et féconde. Le verre a été, au moyen âge, un moyen d'art incomparable. U ne l'est plus aujourd'hui. Il peut et il doit le redevenir. Mais, •pour cela, il est nécessaire qu'on ouvre aux peintres verriers de nouveaux débouchés, qvi'on encourage leurs efforts artistiques, et qu'on leur fasse une part légitime dans la décoration des monuments civils. L'art du vitrail a revêtu les cathédrales de beauté splendide. 11 est d'une richesse trop souple, trop in finie pour ne pas pouvoir se conformer à d'autres exi gences et créer, dans une architecture différente, une nouvelle et plus moderne beauté. E. Rey....

À propos

Fondé en 1836 par Armand Dutacq, Le Siécle bouleversa la presse française grâce à une stratégie éditoriale révolutionnaire pour l'époque. Comme La Presse de Girardin, fondée la même année, ce quotidien fixa son prix d'abonnement à 40 francs – c'est-à-dire la moitié de celui des autres journaux – et entrepris de compenser cette somme modique par d'autres revenus, tirés de la publicité. Traditionellement anticlérical, il deviendra l'organe de la gauche républicaine pendant une grande majorité de la Troisième République.

En savoir plus
Données de classification
  • rouvier
  • hervé
  • delcassé
  • félix gaudin
  • gambetta
  • voltaire
  • de bulow
  • capronnier
  • a. breîte
  • del
  • france
  • allemagne
  • maroc
  • thiers
  • paris
  • russie
  • berlin
  • madrid
  • espagne
  • wagram
  • la république
  • prusse sa
  • bastille
  • union postale
  • l'assemblée
  • parlement