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Le Siècle, 24 février 1848

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Le Siècle
24 février 1848


Extrait du journal

La folie semblait avoir été poussée aussi loin qu'elle pou vait l'être. Le jour des réparations était-il venu? On le croyait. i en sortant de la chambre, on le croyait quelques momens après dans la ville tout entière. Chacun se communiquait l'heureuse nouvelle du renvoi des ministres. Paris était illu miné, tranquille, confiant, quoique le gouvernement eût eu l'extrême imprudence-de ne pas faire annoncer d'une ma nière positivé dans son journal du soir lé changement de ministère, quoique la satisfaction promise fût incomplète au-, tant qu'incertaine. Tout à coup, vers dix heures du soir, on1 entend retentir sur les boulevards le cri : Aux armes ! aux armes! Nous sommes trahis ! en égorge nos frères! » La foule se précipite dans tous les sens, les uns fuyant lé dan ger, les autres courant au devant et voulant connaître la cau se de cette grande et soudaine émotion. Peu de temps après, des tombereaux remplis de cadavres passaient sur les boule vards escortés par des hommes du peuple portant des torches et criant : Vengeance ! Ces cadavres étaient ceux de citoyens, de femmes et cPénfans qu'une décharge à bout portant venait d'étendre sur le pavé, en face du ministère des affaires étran gères. . • Des témoins oculaires nous ont déclaré avoir vu, avoir compté les corps inanimés de quarante de ces malheureux, parmi lesquels trouvait, dit-on, W officier 4eJa garde na tionale. La terre était souillée de sang, un grand nombre de blessés s'enfuyaient en poussant des cris ; un frère cherchait son frère, un père son fils : c'était un spectacle à navrer l'âme la plus insensible. Etait-ce un malentendu, un malheur? Etait-ce un crime ? Ce n'est que demain que les faits pourront être éclaircis, que la vérité tout entière sera connue. Mais cette nuit, à I'neure où nous écrivons, Paris est dans les angoisses.de la douleur, de l'anxiété et de la colère. Le peuple se croit trahi, il relève les barricades dans les rues et cherche partoat des armes. De temps en temps nous entendons la fusillade retentir sans savoir pour quelle cause. Nul ne peut dire comment se passera la journée de demain si la plus éclatante satisfaction n'est pas donnée au peuple de Paris, si les ipesures les plus prompte» et les plus décisives ne sont prises pour que justice seit faite, pour que la liber té, les droits et l'honneur de la France soient confiés à des mains fermes et sûres, dignes de conserver ce précieux dépôt. Que la garde nationale soit demain tout entière sous les armes. Qu'elle reste unie; qu'elle se montre ferme autant qu'elle a été modérée. Qu'elle continue de veiller sur une situation pleine de périls et d'incertitudes. Grâce à son heu-...

À propos

Fondé en 1836 par Armand Dutacq, Le Siécle bouleversa la presse française grâce à une stratégie éditoriale révolutionnaire pour l'époque. Comme La Presse de Girardin, fondée la même année, ce quotidien fixa son prix d'abonnement à 40 francs – c'est-à-dire la moitié de celui des autres journaux – et entrepris de compenser cette somme modique par d'autres revenus, tirés de la publicité. Traditionellement anticlérical, il deviendra l'organe de la gauche républicaine pendant une grande majorité de la Troisième République.

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