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Le Siècle, 26 avril 1889

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Le Siècle
26 avril 1889


Extrait du journal

Un des grands attraits de l'Exposition sera dans les cent et quelques congrès de toute nature, nationaux et internationaux, qui vont être organisés par les innombrables comités que les divers ministères ont institués. Ces comités, on ne l'ignore pas, sont composés de toutes les notabilités des sciences, des arts, des lettres, du commerce, de l'industrie, de l'agriculture. Ils présentent tous les élé ments de compétence nécessaires, et l'une de leurs premières préoccupations sera évidem ment d'inviter à leurs, travaux les savants, littérateurs, artistes, négociants et industriels étrangers de passage à Paris. Comme la plu part des grandes questions de commerce, d'industrie, d'hygiène, d'administrateurs, de travaux publics, de science sociale et politi que, figurent à l'ordre du jour des comités, on peut dire dès maintenant qu'à côté d'une Exposition de tous les produits de la main de l'homme il y aura en quelque sorte une autre Exposition de tous les sujets dignes de la pen sée humaine, et qui ne sera pas la moins in téressante pour les esprits cultivés ou sim plement curieux du progrès. Quelles que soient les matières traitées, on est assuré d'avance que les congrès et les conférences qui auront lieu au Champ de Mars seront très suivis et contribueront au succès et à la gloire de l'Exposition. Mais on peut croire que parmi ceux qui attireront le plus l'attention publique figureront les con grès relatifs aux questions économiques et sociales. La grande vertu des expositions est, en effet, de rapprocher non seulement les produits, mais les peuples, et de permettre à ces derniers, ou plutôt à leur élite intellec tuelle, d'étudier fructueusement les grandes questions relatives à l'organisation du tra vail et au développement du bien-être, les deux plus graves problèmes de la société mo derne. Si l'on va au fond des choses, ne s'aperçoit-on pas que la plus grande difficulté d'atteindre les solutions entrevues glt pré cisément dans l'antagonisme des intérêts na tionaux et dans le concurrence terrible où ils sont engagés ? Qui ne voit que le vrai mal dont souffre le monde du travail est dans .l'impossibilité d'opérer des réformes indi viduelles et locales, sous peine de livrer l'industriel ou le pays réformateur aux coups de ses concurrents ? Comment di minuer la durée des heures de travail en France ou en Angleterre si les industries allemande, américaine, italienne, autri- • chienne persistent à rester sous;le régime de la liberté absolue ? Comment abandonner les tarifs protectionnistes de ce côté de l'Atlanti que ou de ce côté des Alpes si l'on n'y veut renoncer de l'autre ? Les industries de toutes les nations civilisées sont solidaires les unes des autre s, et aucune ne peut améliorer avec succès le sort de ses travailleurs si dans un pays voisin l'industrie similaire s'en tient aux vieux usages funestes à la santé de l'ouvrie, mais permettant de produire à meilleur marché. Si les problèmes sociaux sont difficiles à résoudre, on peut donc ajouter qu'ils ne sont presque toujours solubles que par l'accord des nations, et que leurs solutions ne sont pas applicables par voie isolée, à de très rares exceptions près. L'Internationale des travail leurs avait parfaitement compris ce caractère nécessairement universel de toute réforme sociale ; elle s'était rendu compte qu'il fallait poursuivre le progrès partout, sous. peine de ne l'obtenir nulle part, mais elle espérait at teindre ce but par l'associatiqg des travail leurs de toute nation. Elle faisait fausse route parce qu'elle inquiétait les gouvernements et tendait, malgré elle, à devenir une associa tion politique. Elle oubliait aussi que les révolutions ne se font jamais par en bas, si elles ne sont déjà mûres en haut. L'Interna tionale n'avait à sa disposition que des armes de guerre, des grèves et des insurrections, et le progrès social, étant donné les intérêts puissants qu'il heurte,-ne peut être qu'une...

À propos

Fondé en 1836 par Armand Dutacq, Le Siécle bouleversa la presse française grâce à une stratégie éditoriale révolutionnaire pour l'époque. Comme La Presse de Girardin, fondée la même année, ce quotidien fixa son prix d'abonnement à 40 francs – c'est-à-dire la moitié de celui des autres journaux – et entrepris de compenser cette somme modique par d'autres revenus, tirés de la publicité. Traditionellement anticlérical, il deviendra l'organe de la gauche républicaine pendant une grande majorité de la Troisième République.

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