Extrait du journal

Le moment approche où l'Académie des inscriptions et belles-lettres doit user pour la première fois du droit qui lui a été remis par le legs de M. le baron Gobert. Ce généreux citoyen, mort à l'âge de vingt-cinq ans, a disposé d'une fortune considérable pour ranimer en France les études historiques; il a confié à l'Académie des inscriptions et belles-lettres le soin de décerner un prix de dix mille francs de rente à l'auteur du meil leur ouvrage sur l'histoire de France. D'après les intentions du testateur, celte magnifique récompense ap partiendra à l'écrivain couronné tant qu'une production jugée supérieure à la sienne ne viendra pas la lui enlever. De cette manière les recherches sérieuses seront stimulées par un noble encouragement, et il nous sera permis d'espérer enfin une histoire nationale. Le legs de M. le baron Go bert récompensera les travaux accomplis; il en suscitera de nouveaux : mais il faut pour cela qu'on 11e le détourne point de sa destination véri table. Déjà l'an dernier, l'Académie des inscriptions et belles-lettres avait été appeléifà juger plusieurs ouvrages d'un mérite réel, présentés au concours; elle eut le tort de vouloir éparpiller la récompense promise entre quatre autours. C'était méconnaître la pensée élevée de M.'Gobert, c'était réduire leprixà des proportions mesquines en le divisant, e,t par conséquent lui ùter le caractère qui peut susciter des œuvres vraiment grandes par la conception et par le travail. Nous avons réclamé contre une pareille in terprétation d'un legs devenu eu quelque soi te une propriété nationale et M. Villemain, alors ministre de l'instruction publique, refusa avec rai son d'autoriser l'exécution du vote académique. Nous espérons qu'aujourd'hui la classe de l'Institut appelée à accomplir les intentions du testateur, saura se pénétrer de tout ce que sa mission a de noble et de sérieux. Elle se tiendra en garde contre ceâ termes moyens, qui ont pour but de ménager les prétentions rivales de quelques coteries scientifiques, et qui sacrifient un but élevé à de petites satisfactions d'a mour-propre. L'Académie s'appliquera aussi, nous n'en doutons pas, à à éloigner tout ce qui pourrait donner à son jugement l'apparence de la partialité. Elle a déjàarrèté qu'aucun des membres de laclassedes inscrip tions et belles-lettres ne pourrait prendre part au concours; c'est une déter mination à laquelle on s'attendait et qui sera unanimement approuvée. L'Institut, chargé de décerner le prix, doit veiller à mettre hors de doute à tous les yeux l'équité de sa décision ; aussi a-t-on tout lieu d'espérer que les intentions de M. Gobert seront religieusement accomplies ; plus une faveur est haut placée et moins il esùù craindre qu'elle ne devienne le prix de l'intrigue....