Extrait du journal

UN DEVOIR SOCIAL La France possède un développement de côtes de mille lieues. Sur cette longue ligne de rivages, on compte près de cent mille marins pécheurs avec leurs famil les, ce qui constitue une population de quatre cent mille personnes environ, qui ne vit que de l’exploitation de la mer. La mer, qui les nourrit, est dure pour eux et fertile en sinistres. Chaque saison, on peut dire chaque jour, amène dos désastres qui réduisent à la misère, à un dénuement complet, dos familles de pê cheurs. Notre collaborateur et ami, Jean do Nivelle, qui passe chaque année plu sieurs semaines sur la côte et qui aime tant les marins, que parfois il s'imagine être lui-même un vieux loup de mer, n'a eu q ne trop souvent l’occasion de décrire dans le Soleil les dangers auxquels nos marins pêcheurs sont sans cesse exposés, les douloureuses infortunes dont ils sont si fréquemment victimes, les lamentables ruines qui en sont la conséquence. Les tempêtes ne sont pas rares sur nos côtes de la Manche, de l’Atlantique et do la Méditerranée; et chaque tempête a de tristes lendemains : autant de bateaux disparus, autant de familles on deuil, au tant de foyers éteints où la misère vient s’asseoir avec le désespoir. Sans doute, quand de pareilles catas trophes surviennent, la charité publique ne se trouve jamais mise en défaut. On en sait quelque chose au Soleil. Ce n’est jamais en vain que nous avons fait appel au bon cœur et à la générosité de nos lecteurs pour obtenir les centaines ou les milliers de francs nécessaires à de pau vres marins dont la mer avait englouti le bateau et anéanti les ressources. Mais la charité ne peut faire face à tous les be soins qui so produisent. Les manifesta tions de la charité peuvent d’ailleurs se trouver paralysées ou détournées par des calamités d’une autre nature. Ce qui est certain, c’est que l’on voit s’allonger sans cesse la liste lamentable sur laquelle sont inscrites les victimes des naufrages des bâteaux de pèche. L’assistance de l’Etat est encore moins efficace que la charité privée. L’Etat, en présence d’une catastrophe, peut accor der, sur les fonds qu’il a à sa disposition pour cet objet, un maigre secours qui n’est que rarement renouvelé : on retarde ainsi pour les familles des marins, vic times d’accidents do mer, l’heure de la misère, mais on ne l’empêche pas de sonner. N'est-il pas possible de demander aux marins d’être eux-mêmes leurs propres protecteurs en constituant entre eux une grande association de secours mutuels ? Telle est la question qu’examine M. Berthouledans u.n long et intéressant rapport adressé au ministre de la marine, au nom du Comité consultatif des pêches mariti mes. Pour créer une société d’assurances mutuelles entre les marins-pêcheurs de France, il n’y a qu’à imiter ce qui se fait depuis des siècles chez des peuples qui ont- connu bien longtemps avant nous les bienfaits do l’association : C’est dans les ghildes Scandinaves que M. Berthoule trouve le principe do l’association do se cours mutuels qu'il voudrait constituer, au profit de nos marin s-pêcheurs, sous la surveillance et le contrôle do l’Etat. Les marins Scandinaves du moyen âge s'as sociaient entre eux dans le but de se prê ter mutuellement en toute circonstance arde et soutien. Des assemblées, composées do leurs délégués, se réunissaient périodiquement pour discuter sur les règlements do l’as...