Extrait du journal

Ils s'agit des hôtes de l’œuvre de l'Hos pitalité de Nuit, de ces pauvres gens qui, le soir venu, se dirigent vers les quatre hôtelleries de lu petite lampe bleue, ainsi baptisées par le regretté E. Caro, et qui trouvent un millier de lits tout prêts, une chose qu'ils ne connaissent guère, que quelques-uns, bien probablement, ne connaissent plus depuis longtemps. Un sait combien cette œuvre a provoqué de sympathie* dans la population parisien ne, et de quelle façon large et généreuse l’hospitalité y est distribuée. Les fonda teurs ont meme dépassé le but qu'ils s’é taient proposé d’abord. Le lit et l’abri, il 11 était, dans le principe, question que de cela. Mais, le moyen de voir arriver en nombre de pauvres diables hâves, sinon décharnés, sans penser à ceci qu’il est pénible de leur donner un litbien propre et bien chaud, quand leur estomac est vide, et souvent depuis longtemps! Les gens qui ne savent où coucher ne mangent guère, et quand ils ont passé, dans les asiles, les trois nuits réglemen taires, leur sort n’est pas meilleur. Et cependant, cette restriction des trois nuits est parfaitement rationnelle : un plus long délai serait presque immoral ; un délai illimité pourrait être considéré comme une provocation à la paresse. Les Parisiens, comme les fondateurs de l'Hospitalité de Nuit, qui ont la pratique de la charité, savent très bien comment il faut s'y prendre, et ceux-ci, particuliè rement, ont rédigé des statuts qui sont un vrai chef-d’œuvre de prudence et de prévoyance. Pas de charité affolée, mais une action constante, bien entendue, s’exerçant toujours de la même façon active et réservée, avec le concours d'un public qui comprend et qui sait, pour être tant de fois sollicité, combien il est difficile de faire le bien avec durée. L’Hospitalité de Nuit est une des œu vres chères à la charité parisienne. Celleci a reconnu bien vite, qu'il n’en est ni de meilleure ni de plus morale. C’était, d'ailleurs si bien conçu qu'on s’est offi ciellement emparé de l’idée, et que la municipalité a ses refuges, disposés sur le même modèle et peut-être dans les mê mes conditions. Mais ceux-ci ont leur budget établi sur des chapitres spéciaux, tandis que les hôtelleries de la Lampe bleue, s’alimentent surtout grâce à la charité publique. Très discrète, d’ail leurs, cette petite lampe, et sobre d’ap pels ! Mais, il y a pourtant des occasions où il est indispensable de faire quelque tapage et de rappeler l'attention distraite sur de vieux clients oubliés. Cette oceasion-là sc révèle forcément quand l'hiver apparaît, avec tout son cortège de misè res, et quand on voit arriver, à la porte des refuges, tant de pauvres gens qui n'ont pas d'abri, mais aussi qui 11'ont pas de vêtements, et qui, au bout de trois nuits passées à l'asile, s'en vont sous leurs haillons bien plus délabrés que ceux de Don César de Bazan, Dont les trous, par bonheur, n’étaient pas l'un [sur l'autre. Alors,voilà : on demande tout simple ment, et comme d'habitude, de vieux habits et de vieux souliers, de vieux cha peaux et de vieux linge, tout ce qui I semble hors d'usage à des gens habitués ’ au bien-être et à l'abondance, et qui, j tombant dans des vestiaires comme ceux 1 de l'Hospitalité de Nuit, y serait accueilli | comme une véritable fortune. Ah I si l'on ! y jetait, en bloc, tout ce qui s’en va, pour | quelques sous- chez le marchand de bric-à-brac, q»;llc fortune! Ce que vous considérez, vous, monsieur, comme un vieux paletot indigne de vous, et que vous mettez négligemment au rebut, même sans vous informer de ce qu'il deviendra, pourrait couvrir un pauvre homme pendant tout l’hiver, et il y a des...