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Le Temps, 15 novembre 1904

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Le Temps
15 novembre 1904


Extrait du journal

Quels qde soient les verdicts des jurys dans les tragiques affaires de Neuvilly et de Cluses, la couclusion à en tirer, au point de vue politi que, n’est pas douteuse. Ces horribles drames n’ont pu se produire que par suite de l’insuffi sance des mesures d’ordre. Par conséquent, la responsabilité du gouvernement, qui avait le devoir d’assurer l’ordre et qui ne l’a point fait, est gravement engagée. Il ne s’agit pas, en l’espèce, de ces crimes soudains et imprévus que la police ne peut, empêchër. Les grèves de Cluses et de Neuvilly duraient depuis plusieurs semaines, lorsque les catastrophes ont éclaté, après de nombreux symptômes qui révélaient clairement toute l’étendue du danger. On savait, à Neuvilly, que les membres raisonnables du syndicat avaient • beaucoup de peine à contenir les partisans de la violence. Néanmoins, la maison des patrons n’a pas été protégée. Le champ a été laissé libre aux incendiaires. Par bonheur, la famille de Mlle Cayez a pu fuir à temps et échapper à la fureur des émeutiers. A Cluses, les grévistes cassaient chaque nuit des carreaux aux fenêtres de l’usine et défilaient chaque jour devant l’établissement, drapeau rouge en tête, en proférant des injures et des menaces : « Crettiez à la lanterne 1 A mort ! etc...» Et tout ne se passait pas en paroles et en manifestations : les grévistes avaient saccagé la maison de campagne de M. Crettiez et envahi une autre fabrique, celle de M. Bretton, qui avait dû les faire reculer le revolver au poing. Que faisait le gouvernement? Il avait bien en voyé des troupes à Cluses, mais il Jeur avait donné l’ordre de ne pas intervenir et de se montrer le moins possible, sous prétexte de ne pas envenimer le conflit. Ainsi les excès des grévistes n’étaient ni prévenus, ni réprimés. Est-il étonnant que les fils Crettiez, constatant qu’ils n’étaient pas défendus, aient perdu la tête jusqu’au point de commettre l’attentat qui les amène aujourd'hui devant la Cour d’assises? Comment peut-on imaginer que la paix ré gnera dans un milieu où les passions sont h ce {joint surexcitées, si la force publique n’est pas à pour les tenir en.respect? Ne pas envoyer de troupes sur le théâtre d’une grève, ou, ce qui revient au môme, leur prescrire l’inaction, c’est le moyen infaillible de faire naître les scènes de meurtre, de pillage et d’incendie. Les so cialistes, pour flatter leurs électeurs ouvriers, ont pris depuis longtemps l’habitude de protes-. ter contre la présence des troupes, et de la dé noncer comme une « provocation » aux gré vistes. Quelle absurde et sinistre plaisanterie 1 La présence des défenseurs de l’ordre ne pro voque personne et ne peut gêner que ceux qui ont l’intention de le troubler. Ce n’est pas une provocation : c’est une protection. Tous les gouvernements avaient jusqu’ici paru le comprendre : et le ministère actuel est le premier qui ait adopté l’inepte système des so cialistes. On en a vu, on en voit tous les jours les résultats. Toute grève dégénère maintenant en une véritable guerre civile, que l’abstention systématique du gouvernement développe si elle ne la .provoque pas. 11 faut espérer que ces douloureuses expé riences ne seront pas perdues pour l’avenir et nous préserveront dorénavant d’erreurs si fu nestes. Le maintien de l’ordre est la première et la plus impérieuse des charges de l'Etat.. Peut-être conviendrait-il de retirer les pouvoirs de police aux municipalités, dont beaucoup, sur tout dans les villes ouvrières, sont socialistes ou élues avec le concours électoral des socialistes. A Paris et à Lyon, la police est dans la main du gouvernement, qui, dans les autres communes, a seulement la faculté de dessaisir les muni cipalités de cette partie de leurs attributions onlinaires lorsqu’il juge que les circonstances l’exigent. L’ordre public étant une nécessité pour, tous les points du territoire, un droit égal pour tous les citoyens français, est évidemment du ressort de l’Etat et ne saurait être soumis aux hasards de la décentralisation. Sans doute, la loi actuelle permet au gouvernement de rem plir son devoir, s’il le veut. Mais elle l’autorise aussi à se décharger dans certains cas, d’une part de sa responsabilité, et, d’ailleurs, il inter vient finalement ainsi quand le mal est déjà fait ou tout au moins commencé....

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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