Extrait du journal

diplomate eut présenté ses collègues à M. le président de la République, quelle qu’eût été la couleur de son uniforme, cet orateur n’aurait puse dispenser de tenir un langage analogue. La conscience du monde civilisé, qui supporte tarit de choses, ne supporterait pas qu’en une occasion aussi solennelle, on ne rendît point à la paix et à ses bienfaits l’hommage qu’ils mé ritent. Hypocrisie? Non pas : mais impossibilité morale de proclamer publiquement et haute ment que les peuples ont aujourd’hui un intérêt supérieur à cet intérêt, une idée de la civilisa tion qui soit différente de celle-là. Dans la réponse qu’il a faite au nonce, M. le président de la République ne s’est pas contenté de saluer, à son tour, l’idéal de la paix et de la justice entre les nations. Parlant au nom d’une démocratie maîtresse d’elle-même, il a très jus tement et très noblement ajouté que l’activité d’un pays comme le nôtre doit se tourner tout entier vers « les œuvres de liberté, de justice et de fraternité sociale ». Comment ne pas répéter ici le vœu que nous formions tout à l’heure, de voir ces sentiments régner tout le long de l’an née, comme ils régnent le 1er janvier? Il faut d’autant plus répéter ce vœu, que la réalisation en dépend de nous-mêmes et de nous seuls. Quand il s’agit de concorde internationale encore est-il que tout le monde doit y travailler à la fois, ce qui ne laisse pas d’être malaisé à obtenir. Quand il s’agit de fratérnité sociale, entre con citoyens, le mot d’ordre devrait être accepté au moment même où il est donné. On se heurte, il est vrai, de ce côté, à des passions qui, pour n’avoir pas l’excuse du sen timent de la dignité nationale, n’en sont pas moins violentes, injustes, meurtrières : les pas sions révolutionnaires. Ceux qui les éprouvent, mais surtout ceux qui les excitent et les exploi tent, se soucient beaucoup moins d’obtenir les améliorations sociales qu’ils inscrivent sur leur programme, que d’attiser les malentendus, les colères, les haines : toujours prêts à tenir pour nulles et non avenues les concessions faites, les réformes opérées; toujours prêts à peindre des couleurs les plus noires une situation qui, sans être aussi bonne qu’il le faudrait, ne laisse pas cependant de s’être réellement et sensiblement améliorée. Les voilà les plus dangereux enne mis de la paix civile et sociale 1 N’attendez pas d’eux qu’ils désarment, fût-ce un seul jour. On dirait qu’ils n’ont qu’une peur : voir les paroles de sagesse et d’espérance parvenir aux oreilles des dupes qu’ils mystifient. Aussi, redoublentils, en pareille circonstance, de violences et d’injures. C’est le roulement de tambour obligé, qui couvre les protestations qui ne doivent pas être entendues. Ainsi va la civilisation, bien lentement, vers ses fins toutes pacifiques et sereines, à travers les,obstacles et les périls, ceux du dedans, ceux du dehors. On s’étonne parfois que le monde ne fasse pas plus de progrès, des progrès plus ra pides ou plus certains. Ne serait-il pas naturel d’admirer qu’étant donnée la malice des hom mes le monde progresse cependant, que les institutions, les mœurs, les relations sociales s’orientent vers la liberté et la justice ?...