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Le Temps, 6 décembre 1870

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Le Temps
6 décembre 1870


Extrait du journal

nées l’achèveront. Il nous faudra payer la délivrance ce qu’elle vaut; il faudra peut-être à deux et trois reprises chercher le large passage par où nous gagnerons les plaines et les grandes lignes de manœuvre ; peut-être mê me, dans une de ces rudes rencontres, n’aurons-nous pas tout le bonheur qui nous est dû; mais le principal effort de la lutte a été fait, et le nombre de nos chances de succès n’est, en réalité, diminué d’aucune. - Le général qui a commandé dans les deux batailles où nous avons été incontes tablement les vainqueurs, n’avait pas mê me besoin de dire à sa vaillante armée pour quelles raisons le plan d’attaque a été modifié. Ils savent, et nous savons tous avec eux, que, dans une partie si terrible, la marche en avant peut êlre arrêtée par calcul, et que l’art est d’arriver au but par des chemins divers. De son côté, l’ennemi n’ignore plus que nous sommes "redevenus ce que l'empire nous avait, qu’il le voulût ou non, con traints de ne plus être ; il nous a vus pas ser sous le feu de ses batteries une rivière des plus difficiles, puis monter à l’assaut de pentes qui exigent l’escalade, puis dé ployer à notre tour le feu de canons capa bles enfin de nous défendre. La baïonnette a repris, dans nos mains, l’importance que la stratégie nouvelle des chimistes et des mécaniciens lui voulait enlever. Nous avons deux fois couché sur des positions qui n’é taient pas à nous le matin. Nous avons ra massé les blessés, enterré les morts de l’Alle magne ; nous lui avons pris des bouches à feu et ne lui en avons pas laissé ; nous lui avons fait des prisonniers et il n’a pu nous en faire. Nous nous sommes retirés, le voulant bien, et on n’a pas même fait mi ne de nous inquiétei1. Après une résürrection de nos vertus guerrières, si noble ment prouvée à l’ennemi et au monde, nous avons le droit, sans aucune crainte de leur jugement, de porter ailleurs le poids de nos armes et de choisir de tous les points du cercle d’investissement celui que nous aurons senti le plus faible ou derrière lequel le progrès du temps nous aura préparé ' le plus de moyens sûrs de rencontrer des auxiliaires aussi résolus que nous. Nous devons nous convaincre, en effet, que ce n’est plus que pour bien peu de temps que les combats seront pénibles. Nous sommes dans le milieu même de la fournaise. Chaque pas nous arrache au foyer le plus redoutable et nous conduit au rafraîchissement de l’air extérieur. La France agit pendant que nous agis sons. Encore deux, trois jours, et nous au rons de ses nouvelles. Si elles sont bonnes, tout est dit. Il n’y aurait plus qu’à suivre les courants de la fortune. Qui s’étonnerait que, dans la position extrêmement dangereuse où ils se trou vent, les Prussiens et leurs alliés fassent les derniers efforts pour ne pas se laisser renverser devant nos murailles? Leur gloi re n’y est pas seule intéressée : ils ont leur existence compromise dans l’attaque, et, on peut le dire, plus compromise même que la nôtre, car ils ne peuvent que nous imposer une paix trop chère, et, mis en déroute, on ne sait où s’arrêterait pour eux l’enchaînement des revers. Ils nous résis tent donc avec une énergie égale encore à la nôtre. C’est un siège qui combat un siège; mais au delà des collines de notre horizoD, saiton bien ce qui est en train de s’accomplir ? Là encore ils se défendront le plus long temps possible avec l’air guerrier que don nent d’anciennes victoires ; mais la Fran ce est debout et leur fait face. Placées au centre des trois ou quatre cir conférences de combats à outrance qui s’enveloppent l’une l’autre, les armées de Paris, qui viennent de faire sentir la lour deur de leur bras, n’ont à obéir à aucune considération de point d’honneur, et leur gloire est placée uniquement dans le suc cès de l’affranchissement commun de Pa ris et la France, par tous les moyens d’ac tion, par tous les mouvements possibles, par tous les chemins, même par lés re traites. Elles peuvent vaincre rien qu’en restant immobiles. Un échec sur un point quelconque con centrique ne serait pas irréparable pour nous, tandis que la moindre fissure dans l’édifice militaire de la Prusse, si hardi ment, mais si rapidement construit, c’est bientôt la déchirure de la muraille entière....

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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