Extrait du journal

pour le moins: les dernières nouveautés. L'hiver, on est pris par mille occupations et l'on n'a guère le temps de lire. L'été, on se dédommage. S'étendre sur un rocking à l'heure du crépuscule, écouter la chanson du ruisseau, ou le mugissement du torrent, ou le soupir de la vague, ou le murmure du vent dans les feuilles, et, tout en prêtant à ces musiques une oreille captivée et distraite, tourner les pages d'un bouquin divertissant: existe-t-il un délice comparable à ce délice?... Joignez que c'est là un excellent moyen d'apprécier la littérature. Seuls, les bons livres subissent victorieusement cette épreuve; les livres médiocres s'éliminent d'eux-mêmes; l'attention, vite lassée, s'en détourne; ils échappent à l'étreinte des mains défaillantes et glissent à terre. Voilà des oeuvres jugées. Il faut qu'elles soient bien intéressantes pour arracher le lecteur aux molles voluptés qui le sollicitent et dont la plus douce est de rêver. J'avoue que beaucoup de mes lectures sont restées en suspens. Les romans, surtout, m'ont déçu. La plupart se ressentent de la hâte extrême avec laquelle ils furent écrits. Le fond en est banal, la forme relâchée... Le talent n'y manque pas. Mais ce talent s'est usé et comme avili dans des travaux insuffisamment mûris. Aucun don naturel ne résiste au surmenage exténuant et déprimant du « métier »....