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Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire, 13 mai 1908

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Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire
13 mai 1908


Extrait du journal

les, ces frêles vies, et de les torturer, et de les faire souffrir ; de voir là, sous ses yeux, la mort faire son œuvre, et de recueillir sur ces lèvres d’enfant le râle d’une horrible et savante agonie. » On éprouve quelque répugnance à suppo ser que cette opinion puisse être vraie et l’on voudrait croire que son auteur s’est laissé entraîner par des souvenirs littéraires et qu’il s’est représenté Jeanne Weber d’a près le portrait que Charles Perrault a fait de l’Ogre, dans le « Petit Poucet ». Mais un médecin aliéniste, le docteur Bérillon, inlerviéwé à ce sujet a déclaré que celte hypo thèse n’avait, en soit, rien d’inacceptable : « Jeanne Weber, a-t-il dit, peut être une de ces dégénérées qui sont la proie d’impulsion irrésistibles, d’idées fixes, qui s’amplifient, se développent et ne peuvent trouver leur satisfaction que dans la réalisation de l’acte arrêté. » Comment celte idée fixe, cette manie abo minable aurait-elle pris naissance chez Jean ne Weber V Une femme,qui l’a beaucoup con nue, a raconté que Jeanne Weber était deve nue folle à la suite de la mort d’un enfant qu’elle avait perdu à onze mois, dans des convulsions. D’après cette femme, Jeanne Weber lui aurait dit, un jour que des en fants jouaient autour d’elle : « Depuis que j’ai perdu ma petite Marguerite, je ne puis plus voir les enfants des autres : j’ai envie d’en étouffer dans nies bras ; cela me ferait du bien, cela me calmerait. Je ne peux plus voir les enfants vivants, mais j’ai du bon heur à les voir morts. » Si ces propos, sont exacte, Jeanne Weber était bien folle. Il semble bien qu’elle l’était ou, du moins, qu’elle ne pouvait cire consi dérée comme entièrement responsable de ses actes, d’autant moins responsable que son état psychologique et physiologique, les ta res intellectuelles, morales et physiques dont elle était atteinte la mettaient davanta ge hors d’état de résister à des impulsions criminelles. Elle était alcoolique, elle était hystérique, elle donnait dans l’érotisme cl le sadisme. Comment, puisqu’elle ne jouis sait pas de la plénitude de ses facultés et que son imagination malade devait la pous ser à faire le mal. l’a-t-on laissée libre ? Nous nous trouvons, dans cette épouvan table affaire, en présence de deux faillites de la science. Les médecins se sont trompés quand ils ont déclaré que la mort des en fants dont on accusait Jeanne Weber était naturelle, ou, du moins, tout nous porte maintenant à croire qu’ils se sont trompés, mais leur efteur était excusable, car ils ne pouvaient se prononcer que d’après les ré sultats de l’autopsie et n’avaient pas à tenir compte des présomptions morales, Ils se sont trompés quand ils l’ont déclarée respon sable, et leur erreur n’était pas excusable, car ils savaient qu’elle était alcoolique et hystérique à un degré où il ne saurait plus être question de discernement et de raison, et de la différence entre le mal et le bien. Aujourd’hui, nous sommes fondés à pen ser que Jeanne Weber était coupable mais qu’elle n’était pas responsable, ou, tout au moins, qu’elle n’était pas entièrement libre de ses actes, qu’clle ne pouvait opposer une résistance suffisante aux {suggestions affreu ses de son cerveau malade, aux impulsions morbides de son imagination en délire. On ne pouvait la garder en prison puisque, dans la première affaire, le Jury l’a l’acquit tée et que, dans la seconde, elle a bénéficié d’une ordonnance de non-lieu. Mais on pou vait l’interner dans un asile de fous. O11 le pouvait et on le devait. On le pouvait parce qu’il était manifeste qu’elle 11e jouissait pas de son bon sens. Or» le devait parce que son état mental faisait d’elle un danger pour la société. On le pouvait et on le devait lors que, après s’être échappée de rétablissement de bienfaisance, où on l’avait recueillie, elle se rendit dans un commissariat de police et déclara avoir bien étranglé les enfants qu’on avait retrouvés morts à ses côtés... dans son voisinage. L’état d’hébétude où elle était quand on découvrit le corps du petit Marcel Poirot qu’elle venait de tuer est une preuve nou velle de l’irresponsabilité de cette femme. Pour essayer d’échapper aux reproches égilimes qu’on lui adresse, l’administration s’abrite derrière les rapports des médecins qui conclurent à la responsabilité de Jeanne Weber.'Elle oublie que d’autres médecins la déclarèrent irresponsable et que tous les gens qui la connurent déclarèrent que c’était une folle et une malade, capable de tout dans ses accès d’hystérie, d’alcoolisme ou de fureur érotique. Vainement, l’administration essaie-t-elle de se défendre en disant qu’elle n’avait pas le droit de faire interner Jeanne Weber. Elle aurait eu ce droit, si elle avait accompli son devoir qui était après touleslesaventures dra matiques auxquelles Jeanne Weber s’était trouvée mêlée, de soumettre cette femme à une surveillance étroite. Elle dira qu’elle n’avait aucune raison de faire surveiller Jeanne Weber?N’en était-ce pas une que ces terribles accusations qui pesaient sur cette feiume, et, en tout cas, que les soupçons que son passé avait per mis de concevoir et les appréhensions qu’il justifiait. Combien la police ne soumet-elle pas à une surveillance de tous les instants,degens qui n’ont jamais fait, ni ne feront, ni ne sont capables de faire le moindre mal, qui n’ont commis aucun crime ni aucun délit, sur lesquels ne pèse aucun soupçon, et dont le seul tort est de déplaire au gouvernement ou a des politiciens bien en cours. L’argent dépensé inutilement en prix de mouchardage politique et d’espionnage po licier serait infiniment mieux employé tLÀ...

À propos

Fondé en 1845, le Mémorial judiciaire de la Loire est, comme son nom l’indique, un journal judiciaire. D’abord hebdomadaire puis quotidien, il est rebaptisé L’Avenir républicain en 1848, puis L’Industrie en 1852, puis le Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire en 1854, nom qu’il raccourcit quelques quatre-vingt-ans plus tard en Le Mémorial. Collaborationniste, le journal est interdit en 1944.

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