Extrait du journal

S. A. R. la Princesse Sixte de Bour bon ayant tenu à se rendre à Thorey pour prier au chevet du maréchal Lyautey, j’ai eu l’honneur de l'accom pagner pour rendre également mes devoirs à celui qui était en Lorraine mon tout proche voisin. Partis dans la nuit, nous étions à 9 heures à Thorey. Le Maréchal est là, dans sa chapelle ardente, calme, le visage rajeuni, ayant pour la pre mière fois trouvé le repos. L’uniforme bleu-horizon est barré du grand cor don de la Légion d’honneur, à sa droite le bâton de maréchal ; large ment déployé son grand burnous noir, soutaché d’or, se trouve à ses pieds. Près du lit, un faisceau de drapeaux marocains, par derrière ses fanions de commandement, à gauche une gerbe de roses et sur la moire rouge du ru ban, ces simples mots : Le Sultan du Maroc. En effet, le souverain, au mo ment où nous arrivons, vient de par tir, accompagné par M. François Flé tri, après avoir versé des larmes abon dantes et sincères. Je suis certain que bien des gens de par le monde, au Maroc et ailleurs, pleureront cet homme qui avait l’air rude, mais qui était bon. Quatre mois à peine après le Prince Sixte, voici que le Maréchal Lyautey part à son tour. Ces deux hommes qui avaient l’un pour l’autre une grande admiration, doublée d’une vé ritable affection, nous sont l’un et l’autre enlevés ; pourtant, la France avait encore besoin de leur vivant exemple. Ils ont, il est vrai, l’un et l’autre, malgré leur différence d'âge, écrit chacun une grande et belle page d’histoire et leur gloire très pure de meure une magnifique leçon. Il y a quinze jours seulement, le Maréchal assistait à la première re présentation du film du Prince Sixte, « Le Désert blanc ». Bien qu’il fût à peine remis d’une récente crise au foie, qui devait l’enlever, il avait tenu à rendre hommage à la mémoire de celui qui fut l’oncle de l’archiduc Otto, de son duc de Lorraine, aussi est-ce presque une consolation que de le voir là, au pied de la Colline Ins pirée, lui, ce grand croyant qui tenait par toutes ses fibres à sa terre de Lorraine. Son cœur était partagé en deux par la Lorraine et par le Maroc, la terre de ses ancêtres et l’empire qu’il avait fondé. Peu importe d’ailleurs que son tombeau soit veillé par des chrétiens ou par des Musulmans : Son souvenir restera vivant dans le cœur de tous ceux qui ont eu la faveur de l’appro cher jusqu’à ce qu'ils aient à leur tour disparu ; plus, ' il vivra dans l’Histoire impérissable parmi les fon dateurs d’empire. (Figaro). Hector de Béarn....