Extrait du journal

Dans un poème des Pensées d’Août portant, pour tout titre., une dédicace à M Villemain, dans une de ces pièces qu’il appelait lui-même des « épîtres à demi critiques », Sainte-Beuve, présentant les héros du romantisme, dépei gnait en ces termes Hugo et Vigny : Hugo, dur partisan (Comme chez Dante on voit, Florentin ou Pisan, Un baron féodal) combattit sous l'armure, Et tint haut sa bannière au milieu du murmure. Il la maintient encore, et Vigny, plus secret, Comme en sa tour d’ivoire, avant midi rentrait. Ces vers médiocres marquent une date dans l’histoire de la littérature. L’ombre que la montagne sacrée projette sur la plaine s’enrichit d’un relief nouveau, car la tour d’ivoire, évoquée jadis par le latin, dresse sur le ciel moderne son orgueilleuse silhouette. Voici donc baptisé, c’est-à-dire reconnu, adopté, sacré, le lieu hautain où les poètes cher cheront un refuge, établiront leur repaire. A cette locution qui, sous la plume de Sainte-Beuve, était, à tout prendre, une réminiscence heureuse, une image adroite, à cette locution va correspondre désormais une in déniable réalité esthétique et morale. Certes, les écrivains des siècles précédents connaissaient le prix de la solitude. Certains même avaient pu, comme jadis le guerrier hellène,donner à leur isolement la significa-...